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Le télescope EHT jette un éclairage sur la croissance des trous noirs

L’équipe internationale de recherche associée au télescope EHT, qui comprend Avery Broderick, de l’Institut Périmètre, vient de mesurer pour la première fois les champs magnétiques qui contribuent à la croissance des trous noirs.

Enfin, nous avons une validation de ce que l’on raconte sur les trous noirs.

Pour la première fois, des astronomes ont détecté des signes de la présence de champs magnétiques à l’échelle d’un trou noir, près du trou noir situé au centre de la Voie lactée.

Si ces champs magnétiques n’avaient pas existé, « il aurait fallu revoir une grande partie de l’astrophysique théorique » [traduction], déclare Avery Broderick, professeur associé à l’Institut Périmètre dans le cadre d’une nomination conjointe avec l’Université de Waterloo.

Publiée dans la revue Science, cette découverte fait passer du domaine de la spéculation théorique à celui des faits expérimentaux notre compréhension des mécanismes de croissance des trous noirs, explique le chercheur.

Avery Broderick faisait partie d’une équipe qui a découvert un degré élevé de polarisation dans le rayonnement provenant de Sagittaire A*, la puissante source radio que l’on croit être la manifestation astronomique du trou noir de 4,5 millions de masses solaires situé au centre de la Voie lactée.

Cette découverte a été faite à l’aide du télescope EHT (Event Horizon Telescope – télescope horizon des événements), réseau de télescopes à ondes millimétriques couvrant le globe terrestre et conçu pour obtenir les images d’une résolution inégalée dans l’histoire de l’astronomie. Lorsqu’on le dirige vers le trou noir situé au centre de notre galaxie, Sagittaire A*, il permet de voir les détails structurels du flux d’accrétion qui entoure l’horizon du trou noir. Le travail d’Avery Broderick consiste à analyser et à interpréter les données fournies par ce réseau de télescopes.

Les observations actuelles proviennent de seulement 3 sites du réseau mondial du télescope EHT. C’est comme si l’on n’avait que quelques pixels de l’image complète qui sera produite un jour. Néanmoins, ces quelques pixels écrivent le prélude de la révolution à venir dans notre compréhension des trous noirs. Les chercheurs peuvent commencer à mettre à l’épreuve nos meilleures idées actuelles sur ce qui se passe près d’un trou noir.


Le télescope EHT (Event Horizon Telescope – Télescope horizon des événements) — Avery Broderick
Réseau d’observations submillimétriques (SMA –
Submillimeter Array)

Les trous noirs sont des régions de l’espace-temps où la gravité est si forte que « ce qui y entre n’en ressort pas » [traduction], explique M. Broderick.

Comme leur nom le suggère, les trous noirs sont intrinsèquement sombres, puisqu’aucune lumière ou matière ne peut s’en échapper après avoir franchi le point de non-retour appelé horizon des événements. Mais comme les trous noirs s’alimentent à partir des étoiles et gaz environnants, leur disque d’accrétion peut briller et produire une quantité extraordinaire d’énergie, au point d’occulter parfois la galaxie où ils se trouvent.

Par rapport à certains trous noirs, Sagittaire A* est beaucoup plus faible et, malgré sa masse relativement énorme, n’occulte aucune étoile brillante. Mais les données fournies par le télescope EHT laissent entrevoir le mécanisme interne par lequel la matière se dirige en spirale vers les trous noirs, pour finalement disparaître en traversant leur horizon des événements et alimenter ce qu’Avery Broderick appelle des « monstres tapis dans la nuit » [traduction].

Ces données permettront aussi de mieux comprendre le processus inverse, par lequel certains trous noirs sont capables de projeter des flux d’énergie et de matière à des vitesses voisines de celle de la lumière, étendant leur zone d’influence à des échelles intergalactiques.

Des décennies de travaux théoriques, y compris d’énormes simulations informatiques, ont permis de décrire comment les forts champs magnétiques au voisinage de l’horizon d’un trou noir contribuent à la croissance de ce dernier. Mais maintenant, avec les données du télescope EHT, les scientifiques peuvent commencer à voir comment ces processus fonctionnent en pratique.

Pour expliquer la croissance des trous noirs, les modèles théoriques devaient faire intervenir le moment angulaire. La Terre ne tombe pas sur le Soleil, à cause de la conservation de son moment angulaire. Par conséquent, pour qu’un trou noir puisse croître, certains processus physiques doivent éliminer le moment angulaire du gaz qui tombe dedans, vraisemblablement en le transférant à l’extérieur vers des matériaux qui finissent par échapper à l’attraction gravitationnelle.

C’est là qu’interviennent les champs magnétiques. Ces champs dansants peuvent tournoyer et attirer la matière qui tombe vers les trous noirs, et la combiner avec de la matière qui s’en éloigne. Cette attraction produit la viscosité nécessaire pour faire évoluer le moment angulaire et permettre la croissance des trous noirs. Le modèle prédit que sans ces champs magnétiques, l’accrétion cesserait et les jets faibliraient.

Même si cela était décrit dans les modèles, il fallait des preuves fournies par l’observation. La mesure d’un degré élevé de polarisation dans le rayonnement provenant de Sagittaire A* a fourni cette preuve.

Le rayonnement radio de Sagittaire A* est produit par des électrons à haute énergie qui tournent à toute vitesse autour des lignes du champ magnétique. Cela produit à des échelles microscopiques des émissions fortement polarisées liées à l’orientation du champ magnétique, de sorte que la polarisation dessine la structure du champ magnétique.

La détection d’une forte polarisation du côté de l’horizon du trou noir de Sagittaire A* permet en premier lieu de vérifier que de tels champs magnétiques existent et qu’ils doivent être ordonnés. Deuxièmement, elle donne une mesure de la taille typique de ces structures magnétiques.

Bien d’autres découvertes sont à venir.

Obtenir des images du disque d’accrétion autour de Sagittaire A*, dont l’horizon des événements est plus petit que l’orbite de Mercure –, c’est comme essayer d’avoir des images d’un pamplemousse placé sur la Lune. Mais le réseau du télescope EHT sera capable d’accomplir cet exploit.

« En principe, le réseau comporte maintenant suffisamment de télescopes pour produire ces images d’ici quelques années » [traduction], ajoute M. Broderick.

Ces images permettront aux astrophysiciens de transformer notre compréhension de la croissance des trous noirs, de leur interaction avec le milieu environnant, et même de la nature de la gravité.

En étudiant les détails de l’« embouteillage » cosmique causé par les gaz qui se ruent vers le trou noir, les chercheurs pourront vérifier si la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, l’un des piliers de la physique moderne, résiste dans les conditions de gravité extrême autour des trous noirs.

Cela aidera à valider beaucoup des idées que l’on a sur les trous noirs. Comme le dit Avery Broderick : « Tout d’un coup, toutes les histoires que nous racontons à nos étudiants seront fondées sur une réalité. » [traduction]

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