La gravitation 100 ans plus tard — Voir dans le noir
Article d’Avery Broderick sur l’utilisation des trous noirs comme laboratoires gravitationnels
Je crois que l’avenir de la physique gravitationnelle pourrait se trouver juste à l’extérieur d’un trou noir.
Les trous noirs constituent une formidable expérience naturelle. On dirait presque qu’ils ont été conçus pour mettre à l’épreuve la relativité générale. Ils ont le double attrait d’être des solutions extraordinairement simples aux équations d’Einstein et d’être les endroits où les prédictions d’Einstein concernant la gravité diffèrent le plus des idées newtoniennes sur le même sujet. Si nous pouvions voir clairement un trou noir, nous pourrions vérifier si la relativité générale tient vraiment dans des conditions extrêmes.
La bonne nouvelle : cela est en train de devenir possible.
Le télescope EHT (Event Horizon Telescope – Télescope Horizon des événements) est même en train de prendre une photo du trou noir Sagittaire A*, situé au centre de notre galaxie. Le point crucial est que nous pouvons vraiment voir l’horizon des événements du trou noir — l’enveloppe externe qui recouvre la singularité. Une telle observation exige un pouvoir de résolution extraordinaire. L’horizon de Sagittaire A* a une taille apparente d’environ 55 microsecondes d’arc, et une microseconde d’arc correspond à un tiers de milliardième de degré. C’est 450 fois plus petit que ce que le télescope Keck peut distinguer de plus petit, et 2 300 fois plus petit que ce que le télescope Hubble peut distinguer de plus petit. Cela équivaut à voir une graine de pavot à l’autre bout d’un continent.
Bref, nous regardons l’univers avec de nouveaux yeux, d’une manière plus appprofondie et plus précise que jamais auparavant. Et en plus de nouvelles données, nous avons de nouvelles connaissances théoriques sur ce qui permettrait de distinguer un trou noir obéissant pleinement à la relativité générale d’un trou noir faisant quelque chose d’un peu différent. Nous savons ce qu’il faut rechercher et nous commençons à être capable de le voir. Nous disposons de nouvelles techniques, dont certaines augmentent notre capacité de plusieurs ordres de grandeur, et nous devrions connaître un âge d’or de l’observation des trous noirs.
Que pourrions-nous voir? Nous ne le savons pas, mais je suis confiant qu’il s’agira de quelque chose de nouveau, qui nous donnera une meilleure idée de ce que fait la gravité. Il se pourrait même que, à cette échelle, les effets de la gravitation quantique soient observables. Si c’est le cas, nous pourrions, comme il y a 100 ans, arriver à un point où les pièces du casse-tête se mettront tout à coup en place.
– Avery Broderick, professeur associé à l’Institut Périmètre, se spécialise dans l’étude des trous noirs.