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Les gens de l’IP — Timothy Hsieh, créateur quantique

En imaginant de nouvelles combinaisons des pièces les plus minuscules de la nature, Timothy Hsieh crée des plans de nouveaux phénomènes qui pourraient être plus puissants que la somme de leurs parties.

La physique consiste souvent à décomposer les choses en éléments de plus en plus petits, afin de comprendre comment elles fonctionnent.

Par contre, Timothy Hsieh procède à l’inverse. En imaginant de nouvelles combinaisons des pièces les plus minuscules de la nature, il crée des plans de nouveaux phénomènes qui pourraient être plus puissants que la somme de leurs parties en exploitant l’étrange puissance du monde quantique.

« Il y a toutes sortes d’interactions différentes avec lesquelles on peut jouer, dit-il, et ce sont des choses très tangibles que l’on peut simuler sur ordinateur ou pour lesquelles on peut proposer des expériences. » Le but visé est d’imaginer un nouvel agencement qui, réalisé d’une manière particulière, produira de nouveaux phénomènes. « On peut être inventif, ce qui est très important pour moi » [traduction], ajoute-t-il.

M. Hsieh travaille dans le domaine de la matière condensée. Il se spécialise dans les états exotiques de la matière, dont les comportements physiques sont dictés par les solides structures mathématiques que l’on trouve en topologie. Ces pièces plus que microscopiques se combinent de manières inhabituelles; ces combinaisons s’ajoutent les unes aux autres et conduisent à l’émergence de comportements nouveaux et puissants. À titre d’exemple, les isolants topologiques sont des matériaux qui ont à la fois les propriétés d’isolants et celles de conducteurs. On a également découvert que certains minéraux possèdent les propriétés étranges de liquides de spin quantique, qui contiennent des objets semblables à des particules, mais qui ne sont ni des bosons ni des fermions.

Certains de ces matériaux sont déjà présents dans la nature. Un cas célèbre est celui d’une roche que le physicien Paul Steinhardt a trouvée en fouillant dans les collections de musées européens. Cette roche avait des propriétés exotiques, et Paul Steinhardt a retracé la provenance du spécimen jusque dans les montagnes du Kamchatka, en Russie. D’autre part, M. Hsieh et ses collaborateurs ont prédit en 2012 qu’un matériau du nom de tellurure d’étain serait un isolant topologique cristallin; cette prédiction a été confirmée de manière expérimentale  par de multiples équipes.

Mais maintenant, Timothy Hsieh adopte une démarche différente. Au lieu d’attendre que la nature fournisse le matériau quantique parfait, il propose des manières de produire de nouveaux états de la matière en les construisant de toutes pièces.

Cela peut sembler étonnant, et ce l’est vraiment. « C’est comme un jeu de Lego quantique, dont on ne peut pas vraiment voir les pièces, explique-t-il. On ne peut que les décrire mathématiquement. C’est dans un sens très amusant. On peut obtenir des résultats surprenants, que l’on n’aurait pas pu imaginer auparavant. » [traduction]

Assembler les pièces

Si vous vous posez la question, oui, Timothy Hsieh a beaucoup joué au Lego pendant son enfance, laissant souvent de côté le manuel d’instructions pour concevoir ses propres créations. Il aime beaucoup aussi jouer du violon, et il a envisagé de poursuivre une formation en musique ou en mathématiques avant que la physique n’obtienne sa préférence.

C’est en fait à l’Institut Périmètre, qu’il a pris pour de bon la décision de faire de la physique. En 2006, peu après avoir terminé son secondaire à Los Angeles, il a participé à l’École d’été internationale pour jeunes physiciens et physiciennes. Freddy Cachazo, professeur à l’Institut Périmètre, y a donné un cours sur les fondements de la théorie des groupes. « Ce cours est nettement ressorti du lot, dit M. Hsieh. Il a renforcé mon intérêt pour la physique. » [traduction]

Après avoir obtenu un doctorat au MIT, Timothy Hsieh a été postdoctorant à l’Institut Kavli de physique théorique de l’Université de la Californie à Santa Barbara. Maintenant professeur à l’Institut Périmètre, il est l’un des responsables de l’initiative de l’Institut sur la matière quantique et établit des liens étroits avec des expérimentateurs de l’Institut d’informatique quantique de l’Université de Waterloo.

Comme la recherche sur la matière condensée rejoint le domaine de l’informatique quantique, c’est une époque passionnante dans un domaine passionnant. Le seul inconvénient, selon le chercheur, c’est que la physique de la matière condensée est souvent plus difficile à expliquer à des non-experts.

« En astronomie, dit-il, on peut expliquer que les observations se font dans le ciel. En physique des hautes énergies, on peut observer des choses à l’échelle la plus microscopique. Mais en théorie de la matière condensée, ce n’est pas aussi facile. Il faut faire plus d’efforts pour décrire à quelqu’un cette notion de comportement collectif. » [traduction]

On pourrait peut-être utiliser l’analogie de l’océan et la manière dont le comportement collectif des gouttes d’eau produit les vagues.

Ou on pourrait mettre par terre un tas de pièces de Lego, puis inviter les amateurs de Lego à imaginer ce qui pourrait se passer si les pièces possédaient des propriétés quantiques comme celles de superposition et d’intrication. Aucun manuel d’instructions. Seulement de l’imagination pure et du potentiel.

« Il y a tous ces blocs que l’on connaît très bien. On sait aussi essentiellement comment ils interagissent les uns avec les autres, mais la nouveauté vient du comportement émergent de toute cette collection, explique M. Hsieh. Il y a place pour beaucoup de créativité dans la manière de construire des systèmes formés de nombreuses particules. » [traduction]

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