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UNE NOUVELLE FENÊTRE SUR LE BIG BANG?

Des résultats expérimentaux pourraient avoir mis en évidence des ondes gravitationnelles – échos cosmiques du Big Bang – et amener l’Institut Périmètre dans des champs de recherche nouveaux et passionnants.

L’apparente détection d’ondes gravitationnelles primordiales issues du Big Bang il y a 14 milliards d’années a créé des vagues d’excitation prudente à l’Institut Périmètre aujourd’hui.

Des chercheurs de l’Institut Périmètre se sont réunis pour assister à une conférence de presse webdiffusée depuis le Centre Harvard-Smithsonian d’astrophysique, On y a annoncé qu’un télescope sophistiqué situé au pôle Sud avait capté une signature de l’univers en train de grandir de manière incroyablement accélérée, alors qu’il n’existait que depuis une minuscule fraction de seconde.

Neil Turok, directeur de l’Institut Périmètre et cosmologiste dont les travaux portent sur notre compréhension de l’univers naissant, a déclaré : « Si cela est confirmé – et il y a un gros SI –, ce sera un résultat spectaculaire qui aura ouvert une fenêtre entièrement nouvelle sur le Big Bang. » [traduction] M. Turok a noté que, s’il était confirmé, ce résultat réfuterait un modèle de l’univers naissant que lui-même avait proposé avec Paul Steinhardt, de l’Université de Princeton.

« Cela réfuterait de manière définitive les modèles ekpyrotiques et cycliques que nous avons proposés il y a une décennie. Par contre, des modèles plus récents d’univers rebondissants fondés sur le champ de Higgs pourraient encore être viables. » [traduction]

D’autres chercheurs de l’Institut Périmètre ont réagi avec divers degrés de précaution et d’optimisme. « Si cela est confirmé, c’est vraiment extraordinaire », a déclaré Kendrick Smith, professeur à l’Institut Périmètre, qui expliquait les données nouvellement publiées devant une salle pleine de chercheurs et d’étudiants. « Si c’est vrai, c’est le résultat le plus enthousiasmant des 30 dernières années en cosmologie. » [traduction]

Kendrick Smith, cosmologiste d’observation, a mis au point des méthodes numériques clés d’analyse de données astrophysiques. Il est membre de l’équipe qui travaille à l’expérience du satellite Planck. Celle-ci devrait publier plus tard cette année ses propres constatations sur l’univers primitif.

Les résultats annoncés aujourd’hui ont été obtenus par une équipe de chercheurs de plusieurs institutions, qui travaillait en Antarctique avec un télescope baptisé BICEP2 (pour Background Imaging of Cosmic Extragalactic Polarization – Imagerie de fond de la polarisation extragalactique cosmique), balayant une portion relativement peu encombrée du ciel, à la recherche de vestiges d’énergie du Big Bang à des fréquences de l’ordre des micro-ondes.

Alors que le rayonnement fossile (ou fonds diffus cosmologique) a donné auparavant un instantané de la lumière la plus ancienne connue, qui a émergé lorsque l’univers avait environ 300 000 ans, les ondes gravitationnelles donnent une vue sans précédent de l’univers alors qu’il était beaucoup plus jeune.

La détection d’ondes gravitationnelles représente la frontière ultime dans la mise à l’épreuve de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Analogue à une onde sismique produite par un tremblement de terre, qui se propage dans la croûte terrestre en déformant le sol sur son passage, une onde gravitationnelle est une oscillation du champ gravitationnel, qui se propage dans le vide à la vitesse de la lumière en provoquant une expansion et une compression de l’espace-temps. Tout comme un tremblement de terre laisse derrière lui des bâtiments détruits et des rochers déplacés à la surface de la terre, une onde gravitationnelle déformerait subtilement tout ce qu’elle traverse.

Les ondes que l’équipe de BICEP2 dit avoir détectées sont des ondes gravitationnelles primordiales, que l’on croit issues des événements de l’univers naissant, bien avant que la lumière n’ait émergé et créé des choses que nous allions voir plus tard. De nombreux physiciens considèrent ce résultat comme la première preuve directe de la théorie de l’inflation cosmique, selon laquelle l’univers a connu une période d’expansion hyperrapide dans ses premiers milliardièmes de milliardièmes de milliardièmes de milliardièmes de seconde.

C’est en examinant des motifs contenus dans le rayonnement fossile que l’équipe a trouvé la signature d’ondes gravitationnelles – des régions où l’espace avait été contracté et étendu exactement de la manière prédite par la théorie de l’inflation cosmique. Les résultats obtenus par l’équipe de BICEP2 semblent montrer, avec un degré de précision plus grand que prévu, la présence d’une polarisation, dite de type B, créée par des ondes gravitationnelles.

« Techniquement, cette expérience est un véritable tour de force, a déclaré Kendrick Smith. C’est extraordinaire de voir un signal aussi faible émerger de ces expériences incroyablement délicates. » [traduction]

Will Kinney, professeur à l’Université de Buffalo, venu à l’Institut Périmètre pour faire un exposé sur l’inflation cosmique au commencement de l’univers, a dit que cette « bombe » avait « tout changé », l’obligeant à déchirer l’exposé qu’il avait prévu et à le refaire entièrement.

« N’est-ce pas merveilleux que la science fonctionne ainsi? a-t-il déclaré. Si ces données sont justes et confirmées par d’autres expériences, cela ouvrira une toute nouvelle fenêtre sur l’univers naissant. » [traduction]

Neil Turok se montre toutefois prudent : « En ce qui concerne l’inflation cosmique, l’équipe de BICEP2 admet qu’il y a de réelles frictions entre les résultats de BICEP2 et ceux des expériences précédentes WMAP et Planck. Si les résultats de toutes ces expériences sont exacts, cela pose un problème pour les modèles inflationnaires, parce qu’il faudrait alors les modifier de manière très artificielle pour qu’ils concordent avec toutes les données : ces modèles seraient alors forcés et peu convaincants. » [traduction] M. Turok a poursuivi en disant que cette conclusion était à l’opposé de celle de l’équipe de BICEP2.

Ces résultats surprenants pourraient être dus à une variable négligée ou à des erreurs, mais Latham Boyle professeur à l’Institut Périmètre, est optimiste quant à leur exactitude.

« Vu de l’extérieur, on dirait bien qu’ils ont détecté des ondes gravitationnelles primordiales, et cela est tout simplement stupéfiant, a-t-il déclaré. Je ne me souviens pas d’une autre expérience qui m’ait ainsi jeté par terre dans ma carrière. » [traduction]

Pour Claudia de Rham, boursière Emmy-Noether à l’Institut Périmètre, ces résultats expérimentaux sont passionnants non seulement par les réponses qu’ils semblent apporter, mais aussi par les nouvelles questions qu’ils soulèvent.

« Chaque fois que l’on trouve quelque chose de nouveau, on se rend compte qu’il y a encore bien plus à découvrir, a-t-elle déclaré. Si ces résultats sont confirmés, il y aura encore beaucoup plus de travail à faire, et j’ai hâte de voir ce qui viendra ensuite. » [traduction]

Pour Kendrick Smith, dont les recherches avec l’équipe de l’expérience WMAP ont été récompensées par le prestigieux prix Gruber 2012, ces nouveaux travaux sur les ondes gravitationnelles promettent des moments passionnants pour la cosmologie.

« Si ces résultats sont exacts, c’est une étape véritablement historique, a-t-il ajouté. C’est très enthousiasmant d’être un scientifique en exercice lorsque de tels résultats sont publiés. » [traduction]

Neil Turok conclut sur un ton plus nuancé : « Comme le disait Carl Sagan, “des prétentions extraordinaires exigent des preuves extraordinaires”. Je ne suis pas certain que BICEP2 les ait encore fournies. » [traduction]

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