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Le ciel a une limite

Des chercheurs de l’Institut Périmètre montrent comment la plus grande structure possible – la courbure de l’univers tout entier – peut être utilisée comme une lentille braquée sur les objets observables les plus petits à l’heure actuelle, à savoir les particules élémentaires.

Elliot Nelson and Niayesh Afshordi

Le professeur associé Niayesh Afshordi et le postdoctorant Elliot Nelson, de l’Institut Périmètre, ont récemment remporté un 3e prix de cosmologie Buchalter pour avoir trouvé une manière entièrement nouvelle pour la cosmologie de jeter un éclairage sur l’avenir de la physique des particules.

Leurs travaux partent du fait connu que l’espace est plat. Même s’il y a des ondulations locales, ce sont des ondulations dans un espace plat, et non dans un espace courbe. À 1 % près, l’univers dans son ensemble est plat.

L’ennui, c’est que l’univers ne devrait pas être plat. Le vide de l’espace n’est pas vide : il est rempli de champs qui peuvent être faibles mais jamais nuls – rien de quantique ne peut être nul, parce que les objets quantiques remuent. Selon la relativité générale, de telles fluctuations devraient faire courber l’espace-temps. De fait, un simple calcul de la courbure du vide prédit un univers si enroulé sur lui-même que la Lune ne pourrait y tenir.

Traditionnellement, les cosmologistes contournent ce problème – que l’univers devrait être courbe, mais qu’il semble plat – en supposant l’existence d’une certaine antigravité qui compense exactement la tendance du vide à être courbé. Cet ensemble d’hypothèses et de corrections improbables s’appelle le problème de la constante cosmologique, qui hante la cosmologie depuis plus d’un demi-siècle.

Dans cet article, MM. Nelson et Afshordi ne tentent pas de résoudre ce problème, mais là où d’autres cosmologistes ont fait appel à une constante et sont passés à autre chose, ils ont posé une question supplémentaire : est-ce que l’ajout d’une telle constante pour annuler l’énergie du vide garantit que l’espace-temps soit plat? Leur réponse : pas tout à fait.

Le vide est toujours rempli de champs quantiques, dont la nature est de fluctuer. Même si ces champs sont parfaitement compensés de sorte qu’ils soient nuls en moyenne, ils fluctuent néanmoins autour de cette valeur nulle. Ces fluctuations devraient (elles aussi) faire courber l’espace – mais pas autant.

Dans ce scénario, la courbure résultant des champs connus – p. ex. le champ électromagnétique ou le champ de Higgs – est trop faible pour être mesurée, et elle est donc conforme. Mais tout champ inconnu devrait être assez faible pour que ses fluctuations n’entraînent pas de courbure observable de l’univers. Cela fixe une énergie maximale pour les champs inconnus.

La détermination d’un maximum théorique d’un champ hypothétique peut ne pas sembler être une grande percée – mais ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives dans un domaine inattendu : la physique des particules.

La mécanique quantique nous enseigne qu’une particule n’est qu’une excitation d’un champ. Par exemple, un photon est une excitation du champ électrique, et le boson de Higgs récemment découvert est une excitation du champ de Higgs. C’est un peu comme de dire qu’une vague est une excitation de l’océan. Et tout comme la hauteur d’une vague déferlante peut nous renseigner sur la profondeur de l’eau, la masse d’une particule dépend de la force du champ correspondant.

De nouveaux types de champs quantiques sont souvent associés à de nouvelles propositions d’extension du modèle standard de la physique des particules. Si MM. Afshordi et Nelson ont raison, et qu’il ne peut y avoir aucun champ dont les fluctuations ont suffisamment d’énergie pour entraîner une courbure observable de l’espace, il ne peut exister aucune particule encore inconnue dont la masse serait supérieure à 35 TeV. Les auteurs prédisent que s’il y a de nouveaux champs et particules associés à une extension du modèle standard, ils seront inférieurs à cette limite.

Depuis des générations, les physiciens des particules ont réalisé des progrès vers le haut, en construisant des collisionneurs de plus en plus puissants pour créer – puis détecter et étudier – des particules de plus en plus lourdes. C’est comme si, à partir du rez-de-chaussée, on construisait vers le haut pour découvrir de nouvelles particules à mesure que l’on monte en altitude. MM. Nelson et Afshordi viennent de fixer une limite à la hauteur du ciel.

En physique des particules, il y a beaucoup de débats sur l’opportunité de construire des accélérateurs de plus en plus puissants pour rechercher des particules inconnues plus lourdes. À l’heure actuelle, l’accélérateur le plus puissant au monde, le grand collisionneur de hadrons, fonctionne à une énergie maximale d’environ 14 TeV; un nouveau superaccélérateur proposé en Chine fonctionnerait à environ 100 TeV. Dans le contexte de ces débats, ces nouveaux travaux pourraient être particulièrement utiles, en aidant les expérimentateurs à décider quels niveaux d’énergie – quelles hauteurs de bâtiments – sont les plus intéressants.

Selon ces recherches, le ciel a effectivement une limite – et nous sommes près de l’atteindre.

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