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Stimuler la curiosité inexploitée des jeunes

Les enfants qui grandissent dans les régions isolées du Canada ne manquent pas de curiosité. Celle-ci ne demande qu’à s’épanouir, selon Percy Paul, assistant de recherche à l’Institut Périmètre.

Je me souviens du contact de l’herbe sur l’arrière de mon cou, quand je me couchais sur le sol pour regarder le ciel nocturne. Les aurores boréales étaient communes pour nous qui vivions dans la réserve de la Première Nation d’English River, dans le Nord-Ouest de la Saskatchewan, mais leur fréquence ne diminuait en rien leur beauté.

Quand j’avais environ 10 ans, mes amis et moi nous couchions le soir sur le sol fraîchement gazonné de l’école et nous regardions les couleurs dansantes en discutant de théories concernant leur nature. Étaient-elles les esprits de bien-aimés disparus, qui dansent lorsque l’on siffle et qui prennent des couleurs à mesure qu’ils deviennent plus heureux, comme nos ancêtres dénés le disaient dans leurs contes? Ou étaient-elles autre chose? Des êtres fantastiques, comme ceux des étranges mondes extraterrestres décrits par Isaac Asimov dans les romans que j’avais trouvés à la bibliothèque locale?

Je ne m’en rendais pas compte à l’époque, mais j’étais en train de devenir un scientifique. J’observais le monde, je me demandais comment il fonctionnait, je formulais des hypothèses et je cherchais des preuves. Maintenant, des décennies plus tard, je suis officiellement un scientifique.

J’écris d’ailleurs ceci à l’Institut Périmètre de physique théorique, à Waterloo, en Ontario, où je travaille sur un problème de calcul particulièrement complexe faisant intervenir la théorie des cordes dans un grand nombre de dimensions. Je vous épargne les détails.

Ce genre de physique de haut niveau peut sembler très éloigné de la fascination de mon enfance pour les aurores boréales, mais c’est fondamentalement la même démarche. J’étudie comment l’univers semble fonctionner, je pose des questions et je fais de mon mieux pour trouver des réponses. Et le moteur de tout cela est la même motivation que nous avons tous de naissance : la curiosité.

Poser des questions est la chose la plus naturellement humaine que nous puissions faire. Depuis des millénaires, des gens se réunissent autour de feux de camp, regardent les étoiles et se demandent pourquoi les choses sont comme elles sont. Je vais le faire encore cet été, et je parie que vous aussi. C’est cette curiosité qui a amené le garçon de 10 ans que j’étais à chercher des réponses dans les livres. La bibliothèque locale était un monde merveilleux, un buffet pour esprit affamé. L’Encyclopedia Britannica me fascinait, en particulier les articles sur les mathématiques. Je ne comprenais pas la signification de tous ces symboles étranges, mais j’étais intrigué parce qu’ils ressemblaient un peu à l’écriture de la langue Dënesųłiné (ᑌᓀᓱᒼᕄᓀ).

J’ai passé presque une année entière dans cette bibliothèque, jusqu’à ce que j’aie l’âge d’aller à l’école secondaire. J’ai satisfait ma curiosité avec toutes sortes de livres, mais en étant particulièrement attiré par ceux qui pouvaient expliquer le sens de tous ces étranges symboles mathématiques. Je me souviens encore de la poussée d’adrénaline que j’ai eue lorsque j’ai résolu mon premier problème mathématique. En utilisant uniquement mon cerveau et quelques symboles tracés au crayon, j’avais démontré une vérité inaliénable de la nature. Ce sentiment de satisfaction est ce qui me motive en tant que scientifique, même aujourd’hui où les problèmes que j’étudie sont sensiblement plus difficiles.

Et ce processus fait de curiosité, de questions et de réponses, je crois que davantage de jeunes devraient en faire l’expérience. Il y a tant de curiosité inexploitée chez les jeunes, notamment dans les régions isolées comme celle d’où je viens. Et cette curiosité ne demande qu’à s’épanouir. Le monde a besoin plus que jamais de jeunes gens innovateurs. Le genre humain est à l’origine de gros problèmes qui touchent notre planète et nous-mêmes, et je crois que des jeunes gens curieux, créatifs et courageux doivent travailler ensemble à la recherche de solutions.

Cela ne veut pas dire que je préconise une génération ne comptant que des scientifiques. J’espère plutôt que des jeunes feront preuve d’esprit scientifique et de ténacité quels que soient les problèmes auxquels ils s’attaqueront. Je n’ai pas passé toute ma jeunesse le nez dans les livres. Avec mon cousin, j’ai construit un bateau dont l’hélice était faite de bois que nous avions coupé et sculpté. Chaque activité exigeait la résolution de problèmes, une pensée créatrice et le refus d’abandonner. Je n’ai jamais eu peur de l’échec, parce que l’échec n’est qu’une autre expérience d’apprentissage. Je crois que davantage de jeunes ont besoin d’adhérer à cette idée.

Mon parcours scientifique n’a pas été facile. La théorie des cordes est assez difficile, mais j’ai dû aussi composer avec un trouble bipolaire pendant une grande partie de ma vie adulte. Il m’a causé quelques importants reculs, mais la persévérance dans mon désir d’apprendre m’a permis d’avancer.

J’espère que davantage de jeunes — peut-être en observant des aurores boréales — comprendront la joie qui vient avec la recherche de réponses et utiliseront leurs énergies pour rechercher des solutions en vue d’un monde meilleur.

Percy Paul est né et a grandi en Saskatchewan. Il est assistant de recherche à l’Institut Périmètre de physique théorique. Cet article a d’abord été publié en anglais le 29 mars 2017 dans le Saskatoon Star-Phoenix.

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