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L’UNIVERS EST-IL UNE BULLE? ALLONS VÉRIFIER

Matthew Johnson, professeur associé à l’Institut Périmètre, et ses collègues travaillent à amener résolument l’hypothèse du multivers, qui ressemble pour certains à un conte farfelu, dans le domaine de la science vérifiable.

Oubliez le Big Bang. Au commencement était le vide. Le vide mijotait avec de l’énergie (appelée selon le cas énergie sombre, énergie du vide, champ d’inflation ou champ de Higgs). Comme de l’eau dans une bouilloire, cette énergie a commencé à s’évaporer – et des bulles se sont formées.

Chaque bulle contenait un autre vide, dont l’énergie était plus faible mais non nulle. Cette énergie a provoqué l’expansion des bulles. Inévitablement, certaines bulles se sont entrechoquées. Il se peut que certaines aient produit des bulles secondaires. Peut-être que les bulles étaient rares et éloignées les unes des autres; peut-être qu’elles étaient tassées et formaient de la mousse.

Mais seulement voilà : chacune de ces bulles était un univers. Dans ce tableau, notre univers est une bulle dans une mer écumeuse d’univers-bulles.

Voilà en quelques mots l’hypothèse du multivers.

Cette histoire n’est pas si folle. Comme disent les scientifiques, elle est motivée par la physique – ce n’est pas une pure invention, mais plutôt une conséquence de ce que nous croyons savoir à propos de l’inflation cosmique.

L’inflation cosmique n’est pas un fait universellement accepté – la plupart des modèles cycliques de l’univers rejettent cette idée. C’est toutefois une théorie qui prévaut à propos du tout début de l’univers, et certaines données d’observation appuient cette hypothèse.

Selon l’hypothèse de l’inflation cosmique, dans l’instant qui a suivi le Big Bang, l’univers a grandi rapidement – si rapidement qu’une région de l’espace d’un nanomètre cube en est venue à avoir un diamètre de 250 millions d’années-lumière en seulement un milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde. C’est une idée incroyable, mais elle explique certaines observations astrophysiques autrement inexplicables.

On croit que l’inflation cosmique a résulté d’un champ d’inflation – autre nom de l’énergie du vide. Une fois que l’on a postulé l’existence d’un champ d’inflation, il est difficile d’éviter un début d’histoire tel que « au commencement était le vide ». C’est là où la théorie de l’inflation cosmique devient controversée – lorsqu’elle commence à postuler l’existence d’univers multiples.

Les promoteurs de la théorie du multivers font valoir qu’elle constitue la prochaine étape logique de l’histoire de l’inflation cosmique. Ses détracteurs répondent que ce n’est pas de la physique, mais de la métaphysique – ce n’est pas de la science parce que cela ne peut pas être vérifié. Après tout, une théorie physique vit ou meurt selon les données qui peuvent être recueillies et les prédictions qui peuvent être vérifiées.

C’est là qu’entre en scène Matthew Johnson, professeur associé à l’Institut Périmètre. Avec une petite équipe qui comprend aussi Luis Lehner, professeur à l’Institut Périmètre, M. Johnson travaille à amener résolument l’hypothèse du multivers dans le domaine de la science vérifiable.

« C’est tout l’objet de ce programme de recherches, dit-il. Nous essayons de trouver quelles seraient les prédictions vérifiables de cette hypothèse, puis nous allons essayer de les observer. » [traduction]

Plus précisément, Matthew Johnson considère les rares cas où notre univers-bulle pourrait entrer en collision avec un autre univers-bulle. Il présente ainsi les étapes du travail : « Nous simulons la totalité de l’univers. Nous commençons par un multivers qui comporte deux bulles, nous simulons à l’ordinateur la collision des deux bulles pour calculer ce qui se passe, puis nous plaçons un observateur virtuel à différents endroits pour voir ce qu’il observerait. » [traduction]

Simuler la totalité de l’univers – ou de plusieurs univers – peut paraître une tâche énorme, mais il semble que ce ne soit pas le cas.

« C’est facile de simuler l’univers, explique M. Johnson. Les simulations ne tiennent pas compte de chaque atome, de chaque étoile ou de chaque galaxie – de fait, elles ne tiennent compte de rien de cela.

« Nous simulons les choses uniquement aux échelles les plus grandes, ajoute-t-il. J’ai besoin uniquement de la gravité et de ce qui constitue les bulles. Nous en sommes maintenant au point où, si vous avez un modèle préféré de multivers, je peux le mettre dans un ordinateur et vous dire ce que vous devriez voir. » [traduction]

C’est une petite opération pour un programme de simulation informatique, mais un bond de géant pour la cosmologie du multivers. En produisant des prédictions vérifiables, le modèle du multivers a franchi la frontière entre l’histoire attrayante et la véritable science.

Matthew Johnson ajoute même que le programme a atteint un point où il peut éliminer certains modèles de multivers : « Nous parvenons maintenant à dire que certains modèles prédisent quelque chose que nous devrions voir. Et comme en réalité nous ne le voyons pas, nous pouvons éliminer ces modèles. » [traduction]

Par exemple, une collision entre deux univers-bulles laisserait ce que M. Johnson appelle un « disque dans le ciel » – une meurtrissure circulaire dans le rayonnement fossile. Le fait que la recherche d’un tel disque n’ait donné jusqu’à maintenant aucun résultat rend moins probables certains modèles où il y a beaucoup de collisions.

Entre-temps, l’équipe travaille à calculer quels autres genres de signes résulteraient d’une collision d’univers-bulles. Comme l’écrit l’équipe dans son article, c’est la première fois que quelqu’un produit un ensemble de prédictions quantitatives directes de signatures observables de collisions d’univers-bulles. Même si aucune de ces signatures n’a encore été observée, il est possible d’en chercher certaines.

L’importance réelle de ces travaux est qu’ils constituent une démonstration de principe : ils montrent que le multivers peut être vérifiable. Autrement dit, si nous vivons dans un univers-bulle, nous pourrions effectivement être capables de l’affirmer.

– Erin Bow

 

 

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