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De retour dans l’autobus de l’ISSYP

Quinze ans après avoir participé à l’école d’été de physique de l’Institut Périmètre, l’astrophysicienne et rédactrice scientifique Stephanie Keating refait une excursion avec un groupe d’adolescents amateurs de physique.

En 2003, à l’âge de 17 ans, je suis montée dans un autobus avec 19 autres adolescents pour visiter le parc d’amusement Canada’s Wonderland. À travers les fenêtres, plusieurs d’entre nous regardaient les ondulations provoquées par une forte brise dans un champ de hautes herbes et discutaient des motifs d’interférence que ces ondulations pourraient avoir s’il y avait une brise dans le sens contraire, ou encore de la manière de calculer la vitesse du vent.

Ce n’était pas une sortie scolaire. Nous étions au milieu de l’été, et l’école était finie depuis déjà plusieurs semaines. Nos discussions avaient leur origine dans un intérêt authentique et inconditionnel : tous les 20 faisions partie du programme d’été YPC (Young Physicists of Canada – Jeunes physiciens du Canada) de l’Institut Périmètre.

Cette année-là, c’était la preet qmière fois que l’Institut Périmètre, institution de recherche encore jeune, invitait des élèves du secondaire de toutes les régions du Canada à s’immerger pendant 2 semaines dans la physique théorique. Je suis certaine que le personnel et les chercheurs qui s’occupaient de ce programme étaient un peu nerveux à l’idée d’avoir autant d’adolescents dans un espace aussi restreint (le programme se déroulait surtout dans le premier bâtiment de l’Institut Périmètre : une vieille tour d’horloge sur la rue principale de Waterloo). Pour nous, ce fut un franc succès.

Cette expérience a eu sur moi une profonde influence. Enfant et adolescente, j’avais souvent des intérêts différents de ceux de mes pairs. Je regardais Aux frontières du réel plutôt que la chaîne de vidéo-clips musicaux MTV, et je préférais de beaucoup parcourir la revue Scientific American qu’un numéro du magazine pour adolescentes Seventeen. À YPC, j’étais pour la première fois entourée de gens qui avaient les mêmes intérêts bizarres que moi.

Reflet de l’auteure dans un tube photomultiplicateur de SNOLAB

C’était incroyablement gratifiant. Ce fut aussi un tourbillon d’apprentissage. Nous avons plongé profondément dans des sujets aussi difficiles que la relativité et la physique quantique. Des expériences de la pensée et des discussions animées ont donné vie à la physique. Dans les montagnes russes de Canada’s Wonderland, la physique nous est rentrée dans les tripes.

En 2015, je suis retournée à l’Institut Périmètre, cette fois comme vulgarisatrice scientifique. Un an plus tard, je suis passée à mon poste actuel de rédactrice scientifique dans l’équipe des Publications. J’ai découvert que, après la version inaugurale du programme qui m’avait emmenée en autobus à Canada’s Wonderland, l’Institut Périmètre avait étendu son programme d’été pour ajouter 20 élèves étrangers aux 20 Canadiens (tout en conservant la parité des genres). Renommé l’ISSYP (International Summer School for Young Physicists – École d’été internationale pour jeunes physiciens et physiciennes), ce programme connaît beaucoup de succès depuis ses débuts.

Il conserve en grande partie la même structure : pendant la 1ère semaine, les participant assistent à des exposés sur divers sujets, dont la mécanique quantique, la relativité et la cosmologie. La semaine suivante, ils se répartissent en petites équipes pour s’attaquer à des sujets de l’heure avec un mentor physicien. Entre les séances de cours, il y a des activités sociales, des séances de réflexion et de révision, ainsi que des excursions. Certaines années, celles-ci comprennent une visite unique en son genre au laboratoire SNOLAB à Sudbury, qui mérite sans doute que l’on renonce à quelques tours de montagnes russes.

L’été dernier, j’ai vécu à nouveau mon expérience du programme YPC quand j’ai accompagné la 15e cohorte de l’ISSYP dans sa visite de SNOLAB. J’ai eu l’impression que, des années plus tard, les participants vivaient une expérience remarquablement semblable à la mienne. Dans l’autobus, des groupes d’élèves jouaient aux cartes et à d’autres jeux. D’autres parlaient de l’école, certains discutaient des différences culturelles entre leurs systèmes d’éducation respectifs. D’autres encore faisaient des blagues de physique, parlaient de sport ou débattaient de politique. Il en ressortait l’image d’élèves qui, au bout de seulement une semaine, avaient déjà tissé des liens étroits.

Arrivé à SNOLAB, le groupe a revêtu des combinaisons spéciales et s’est aventuré à 2 kilomètres sous terre pour avoir des explications directes concernant les expériences sur les neutrinos et la matière sombre qui se déroulent sur le site de l’ancien Observatoire de neutrinos de Sudbury, où ont eu lieu des recherches récompensées par un prix Nobel de physique en 2015. Aucun téléphone cellulaire n’est autorisé dans la descente. Cela aurait pu causer une insurrection chez d’autres groupes d’adolescents, mais dans ce cas-ci l’enthousiasme de visiter ces installations était palpable et personne n’a émis la moindre plainte.

« Je n’étais jamais allé si loin sous terre. C’est fantastique de voir comment ces expériences visant à détecter la matière sombre sont réalisées », a déclaré Pedro Henrique Teixeira Tavares, 17 ans, de São Paolo, au Brésil, l’un des participants à l’ISSYP.

M. Teixeira Tavares a apprécié le fait que de nombreux participants venaient de l’étranger. « Je crois que la collaboration entre étudiants de différents pays est très enrichissante, dit-il. Certaines des personnes que j’ai rencontrées ici travailleront probablement en physique dans l’avenir, et feront peut-être de la recherche avec moi. » [traduction]

Pour bien des participants — comme ce fut le cas pour moi à YPC —, l’ISSYP est la première occasion qu’ils ont d’être entourés de pairs qui ont la même passion de la science. « C’est comme de voir des copies de soi-même », a expliqué Vennisa Owusu-Barfi, d’Accra, au Ghana. « Avant d’avoir rencontré d’autres jeunes semblables, vous pouviez croire être un cas unique parmi un milliard de personnes. Mais en venant ici, on se rend compte que d’autres vous ressemblent beaucoup. » [traduction]

Taylor Walters, de Mill Bay, en Colombie-Britannique, est d’accord. « Chez moi, mes pairs n’ont pas cette même passion, dit-elle. C’est quelque chose que je garde en quelque sorte pour moi. » [traduction]

Mais la collaboration et le travail d’équipe caractérisent l’ISSYP tout comme la recherche en physique. Cela fait partie de la force du programme et de l’attraction qu’il exerce. « C’était formidable de communiquer avec des gens qui avaient leurs propres idées et qui écoutaient aussi les miennes, dit Taylor Walters. Mises ensemble, ces idées se sont améliorées et nous ont vraiment aidés à résoudre le problème. Tout ce processus était réellement gratifiant. » [traduction]

Pour bien des participants, l’ISSYP arrive à un moment critique : juste avant l’entrée à l’université. En effet, mon expérience à YPC a joué un rôle dans ma décision de devenir physicienne en faisant un diplôme de 1er cycle en astrophysique, puis une maîtrise en astronomie (les deux à l’Université Western Ontario), et enfin un doctorat en astronomie et astrophysique à l’Université de Toronto.

M. Teixeira Tavares dit que son expérience de l’ISSYP a conforté son projet de faire une carrière universitaire : « Elle m’a permis de me rendre compte que c’est exactement ce que je veux faire. » [traduction]

Taylor Walters s’est rendu compte qu’elle pourrait tracer sa propre voie englobant son intérêt pour la physique, les sciences cognitives et l’informatique. Avant de participer à l’ISSYP, elle se demandait si un tel objectif était réaliste. Les discussions qu’elle a eues avec des chercheurs de l’Institut Périmètre, dont plusieurs utilisent des techniques interdisciplinaires, lui ont ouvert les yeux sur de nouvelles possibilités : « Je suis certaine que de trouver ma propre intersection de mes passions est ce qui va me faire progresser. » [traduction]

Vennisa Owusu-Barfi a été stimulée par les vastes possibilités qu’offre la physique. « Il y a tant de problèmes que l’on peut étudier en physique, dit-elle. Et lorsque l’on résout un problème, on ne sait jamais si ça pourrait servir à quelqu’un — même 100 ans plus tard. » [traduction]

Il ne fait pas de doute que beaucoup de ces élèves souhaitent retourner un jour à l’Institut Périmètre; c’était mon cas quand j’étais à leur place. À l’époque, je rêvais que ce soit à titre de chercheuse, décodant des mystères cosmiques tenaces. Je l’ai fait plutôt en tant que communicatrice, en partageant l’émerveillement, la fascination et l’enthousiasme que suscite la science — une voie différente, tout aussi enrichissante, et toujours passionnante.

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