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Un trou noir dans notre cour : des scientifiques révèlent le formidable cœur de la Voie lactée

Le consortium EHT (Event Horizon Telescope – Télescope Horizon des événements), équipe internationale de chercheurs de l’Institut Périmètre et d’une douzaine d’organismes partenaires, vient de dévoiler la première image du trou noir supermassif situé au centre de notre propre galaxie.

Scientific image of black hole - black background with light yellow/orange forming a ring

Le premier coup d’œil de l’humanité sur Sagittaire A* (ou Sgr A*), le trou noir supermassif situé au centre de notre galaxie, la Voie lactée, a été dévoilé aujourd’hui par des scientifiques du consortium international EHT (Event Horizon Telescope – Télescope Horizon des événements).

Ce résultat important a été obtenu grâce à ce qui est essentiellement un télescope de la taille de la Terre. Il s’agit d’un réseau de 8 radiotélescopes répartis sur 5 continents et tous orientés vers un point unique du ciel nocturne : le cœur de la Voie lactée; des données probantes y ont montré l’existence d’un objet dont la force de gravité extrême affecte les étoiles et l’espace qui l’entourent.

L’image de Sgr A* révèle un centre sombre entouré d’un anneau très lumineux en rotation, le tout au cœur de notre propre galaxie spirale, à quelque 27 000 années-lumière de la Terre.

Image scientifique d'un trou noir — fond noir sur lequel se détache un anneau de lumière jaune et orangée
Voici la première image de Sagittaire A* (en abrégé Sgr A*), le trou noir supermassif situé au centre de notre galaxie. Cette image constitue la première preuve visuelle directe de la présence de ce trou noir. Elle a été captée par le télescope EHT (Event Horizon Telescope – Télescope Horizon des événements), réseau reliant 8 radiotélescopes existants répartis sur toute la planète et formant un télescope virtuel de la taille de la Terre.

Comme Sgr A* est le 2e trou noir observé et photographié par le consortium EHT — qui a dévoilé en 2019 l’image révolutionnaire d’un trou noir beaucoup plus gros et plus éloigné, situé dans la galaxie Messier 87 (le trou noir M87*) —, il permet aux chercheurs de voir les ressemblances et les différences entre ces mystérieux phénomènes.

« En sciences, il n’y a pas de plus grand progrès que de passer de 1 à 2 », déclare Avery Broderick, professeur associé à l’Institut Périmètre et professeur agrégé à l’Université de Waterloo.

« Avec 1, nous avions une particularité, une bizarrerie, une manifestation unique d’un univers complexe. Avec 2, nous avons maintenant un échantillon, une confirmation, une comparaison, et donc la capacité de distinguer l’essentiel de l’accessoire. Sgr A* est différent de M87* sous de nombreux aspects — il est 1 500 fois plus léger et plus petit, 100 000 fois plus affamé, situé dans un milieu galactique ‘typique’ —, mais leur ressemblance est frappante, avec l’existence d’un horizon des événements, qui se présente sous la forme d’une silhouette contrastant avec le plasma lumineux environnant. » [traduction]


Avery Broderick à propos d’une percée sur les trous noirs réalisée à l’aide du télescope EHT

Les images captées par les chercheurs du consortium EHT montrent une région centrale sombre, de laquelle la lumière ne peut s’échapper, de même qu’un anneau très lumineux de gaz ultrachauds tournant autour de la périphérie du trou noir et dont la lumière s’échappe pour commencer son voyage de 27 000 années jusqu’aux télescopes du consortium EHT.

L’étude de Sgr A* comporte 2 difficultés supplémentaires que ne posait pas le trou noir de Messier 87 (M87*). Surmonter l’une de ces difficultés aurait représenté un progrès majeur pour la radioastronomie, mais surmonter les deux a exigé rien moins qu’une révolution. Premièrement, comme Sgr A* est au centre de la Voie lactée, nous le voyons à travers le disque galactique, qui diffuse la lumière comme une fenêtre en verre givré. Il fallait donc annuler l’effet de flou et de marbrure produit sur l’image.

Deuxièmement, comme Sgr A* est beaucoup plus petit que M87*, la lumière et le plasma brillant complètent une orbite autour de Sgr A* en quelques minutes, soit 1 000 fois plus vite qu’autour de son cousin plus gros. Cette variabilité de Sgr A* représentait pour les chercheurs un défi que M. Broderick compare à celui de photographier un chaton surexcité courant après sa queue (alors que M87* ressemble davantage à un vieux lion endormi).

Image scientifique d'un trou noir avec 4 autres images de trou noir en dessous
Le consortium EHT (Event Horizon Telescope – Télescope Horizon des événements) a produit une image unique (partie du haut) de Sagittaire A* (en abrégé Sgr A*), tour noir supermassif situé au centre de notre galaxie, en combinant des images extraites d’observations effectuées à l’aide du télescope EHT. L’image principale est une moyenne de milliers d’images créées en utilisant différentes méthodes de calcul.

Alors que pour M87* il a été assez simple de combiner les données de toute une nuit pour produire l’image et la mettre au foyer, cela était impossible dans le cas de SgrA* à l’aide des méthodes normales, de sorte que de nouvelles techniques adaptées à la nature tumultueuse de SgrA* ont été nécessaires.

Beaucoup des stratégies employées pour produire l’image de SgrA* ont été le résultat d’un atelier organisé à l’Institut Périmètre en août 2019 sous le titre Dynamics and Black Hole Imaging (Dynamique et imagerie des trous noirs). L’équipe de M. Broderick à l’Institut Périmètre a élaboré des méthodes de modélisation d’images fondées sur les probabilités, dites d’imagerie bayésienne, pour aborder la variabilité de Sgr A*.

Pour réaliser son exploit, le consortium EHT a mis sur pied un réseau de 8 télescopes répartis dans le monde et synchronisés avec précision. Tous ces télescopes ont été pointés sur la puissante source gravitationnelle située au cœur de la Voie lactée, exploitant la rotation de la Terre pour observer leur cible sans interruption.

« Le télescope EHT constitue une remarquable démonstration de la puissance de la collaboration scientifique internationale », déclare Robert Myers, directeur de l’Institut Périmètre. « Auparavant, les trous noirs n’étaient qu’un terrain de jeu théorique pour physiciens mathématiciens. Mais le consortium EHT a fait de ces idées théoriques des objets d’observation et d’études empiriques. L’Institut Périmètre est fier de participer à cette entreprise scientifique sans précédent, qui n’en est encore qu’à ses débuts. » [traduction]


Le trou noir au centre de la Voie lactée — Avery Broderick parle du télescope EHT et de Sgr A*

Les observations du télescope EHT font appel à une technique appelée VLBI (pour very-long-baseline interferometry – interférométrie à très grande base), qui synchronise plusieurs télescopes dans le monde et exploite la rotation de notre planète pour former un seul immense télescope, de la taille de la Terre, faisant des observations dans une longueur d’onde de 1,3 mm. La VLBI confère au télescope EHT une résolution angulaire de 20 microsecondes d’arc — cette résolution permettrait de lire à partir de New York les petits caractères d’une pièce de 10 cents placée en Afrique du Sud.

« Maintenant plus que jamais, les gens sont à la recherche de scientifiques pour comprendre le monde qui nous entoure, et ces images révolutionnaires suscitent une fascination et une curiosité plus grandes à propos de notre univers », a déclaré Bob Lemieux, doyen de la Faculté des sciences de l’Université de Waterloo. « Nous sommes très fiers du rôle prépondérant d’Avery Broderick au sein du consortium EHT, et nous sommes impatients de prendre connaissance des travaux d’avant-garde qu’il continue de faire à Waterloo. » [traduction]

À cause de la force de gravité extrême exercée par les trous noirs, la compréhension de leur fonctionnement interne est cruciale pour mettre à l’épreuve, et éventuellement réviser, la meilleure théorie de la gravitation que nous possédons à l’heure actuelle, à savoir la relativité générale d’Einstein.

« Il y a seulement une vingtaine d’années, la production d’images de trous noirs relevait de la science-fiction, dit M. Broderick. Ces dernières années, nous avons obtenu des images de 2 trous noirs et élucidé les phénomènes physiques spectaculaires qui se déroulent dans leur voisinage. Nous sommes entrés dans l’ère de la recherche empirique sur la gravité extrême. » [traduction]

Pour en savoir plus
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