Les gens de l’IP — La gravité n’a pas de prise sur Claudia de Rham
Depuis son postdoctorat à l’Institut Périmètre, la chercheuse invitée Claudia de Rham étudie la gravité sous tous les angles possibles.
Depuis son postdoctorat à l’Institut Périmètre, la chercheuse invitée Claudia de Rham étudie la gravité sous tous les angles possibles.
Claudia de Rham a une relation particulière avec la gravité. Elle étudie la gravité, elle est fascinée par la gravité, et passe une bonne partie de ses temps libres à tenter de défier la gravité.
Lorsqu’elle n’est pas devant un tableau ou un ordinateur, en train de réfléchir avec des collègues à un aspect complexe de la gravité, elle s’en échappe souvent aux commandes d’un avion loué, ou explore en costume de plongée des récifs coralliens, suspendue comme en apesanteur dans l’eau.
« C’est toujours de l’exploration », affirme Mme de Rham, dont les travaux scientifiques l’amènent régulièrement à l’Institut Périmètre pour des séjours de recherche. « En vol ou en plongée, on se retrouve dans une orientation totalement différente. Les perspectives changent, parce que l’on peut d’une certaine manière défier la gravité. » [traduction]
Professeure au Collège impérial de Londres, Claudia de Rham s’attaque à des questions profondes à la jonction de la physique des particules, de la gravitation et de la cosmologie, cherchant ultimement à « comprendre de quoi est fait l’univers et à progresser sans cesse vers une description plus fondamentale de la nature » [traduction].
Il s’agit d’un objectif ambitieux — trouver comment l’univers fonctionne réellement —, mais la difficulté de l’entreprise constitue une bonne part de son attrait : « S’il y a quelque chose que nous ne comprenons pas, ou une divergence dans certaines données, cela indique qu’il y a quelque chose d’autre à apprendre et que nous sommes sur le point de découvrir quelque chose de nouveau. » [traduction]
Claudia de Rham a déjà fait des découvertes importantes, notamment dans le domaine de la gravitation massive, dont elle est une pionnière. Elle a dirigé les travaux qui ont montré que la particule porteuse de la force gravitationnelle, le graviton, pourrait avoir une masse. Cela a des conséquences majeures sur ce que l’on appelle le « problème de la constante cosmologique » à propos de l’expansion accélérée de l’univers.
Ses recherches lui ont valu une pléthore de prix prestigieux — dont, cette année, le prix Adams et le prix Blavatnik pour jeunes scientifiques –, mais elle s’intéresse davantage aux questions qu’aux honneurs, même si elle est heureuse de voir ses travaux reconnus.
Selon elle, cette curiosité insatiable à propos de l’univers remonte aux années où sa famille venue de Suisse vivait à Madagascar. La jeune fille passait d’innombrables nuits couchée sur le dos, contemplant les étoiles au-dessus d’elle. En l’absence de brume ou de pollution lumineuse, la vue était majestueuse, et la Voie lactée était si dense qu’on aurait dit des bandes de gaze appliquées d’un bout à l’autre du ciel. « Je voyais les étoiles toutes les nuits, dit-elle. Lorsque l’on regarde un ciel si profond, cela suscite de grands rêves. » [traduction]
Ses rêves et ses ambitions l’ont amenée à étudier la physique en France, en Suisse, au Royaume-Uni, puis au Canada, où elle a accepté un poste de postdoctorante à l’Institut Périmètre en 2006. C’est à cette époque qu’elle a assouvi sa passion pour le pilotage, obtenu son brevet de pilote et voyagé dans le ciel.
À de nombreuses occasions, lorsqu’un problème de gravitation semblait trop difficile, elle se changeait les idées en louant un avion à l’aéroport régional de Waterloo. Parfois, elle volait directement au-dessus de l’Institut Périmètre, comme pour encourager son subconscient à explorer sous des angles différents les problèmes contre lesquels elle luttait au ras du sol.
« J’avais l’esprit encombré par ces idées et ces problèmes, dit-elle. Mais lorsque l’on vole, il faut se concentrer sur tout autre chose. Cela libère l’esprit et établit de nouvelles connexions qui se traduisent par des idées inédites. » [traduction]
Claudia de Rham revient régulièrement à l’Institut Périmètre depuis son départ en 2009, pour étoffer de nouvelles idées en collaboration avec des collègues, sans avoir à assumer les responsabilités administratives habituelles de son institution d’appartenance. À l’heure actuelle, elle étudie le comportement de la gravité dans des paires d’étoiles à neutrons qui orbitent en spirale l’une autour de l’autre jusqu’à entrer en collision cataclysmique. Cette recherche a été rendue possible par la première détection en 2015 d’ondes gravitationnelles, que Mme de Rham qualifie de « détection la plus importante » de toute sa vie.
En 2013, Claudia de Rham a fait partie du premier groupe de boursières invitées Emmy-Noether de l’Institut Périmètre, dans le cadre d’un programme qui appuie des physiciennes à un stade crucial de leur carrière. Alors que Mme de Rham avait donné naissance à son premier enfant, cette bourse lui a permis de bénéficier non seulement d’un soutien financier, mais aussi de nouvelles possibilités de collaboration et d’une aide fort bienvenue sur des aspects concrets comme la garde de son enfant. Cela lui a permis de se concentrer sur des problèmes difficiles à propos de la gravité et de la relativité générale.
Emmy Noether, dont ces bourses portent le nom, devrait être un « modèle pour les physiciens, hommes et femmes » [traduction], dit Mme de Rham, qui a eu 2 autres enfants depuis.
Mathématicienne juive allemande du début du XXe siècle, Emmy Noether a refusé de laisser les nombreux obstacles qui se dressaient devant elle entraver sa poursuite du savoir. « C’est important d’avoir plus d’une image de scientifiques qui ont du succès en physique, dit Mme de Rham. Quand des jeunes voient une photo d’Einstein, ils s’imaginent qu’un physicien doit ressembler à cela, mais c’est loin d’être une image complète. Il y a bien des manières différentes de contribuer à la science. » [traduction]
Pour Claudia de Rham, le succès consiste à réussir un voyage, que ce soit un voyage théorique dans les mathématiques de la gravitation, une escapade au-dessus des nuages ou une excursion sous la surface de l’océan.
« C’est une époque formidable pour être cosmologiste, dit-elle. Nous avons l’impression d’être aux premières loges d’une évolution importante. C’est très très motivant. » [traduction]
Malena Tejeda-Yeomans, boursière Simons-Emmy-Noether, étudie les collisions d’ions lourds qui recréent les premiers instants suivant le Big Bang. Les citations de cet article sont traduites de propos qu’elle et Ulises Zarate ont tenus en anglais.
Une bourse Simons-Emmy-Noether a donné à la physicienne expérimentatrice Urbasi Sinha l’occasion de collaborer avec des théoriciens à l’Institut Périmètre. Les citations de cet article sont traduites de propos qu’elle a tenus en anglais.
L’univers est-il un hologramme? Les chercheurs en holographie céleste, comme Ana-Maria Raclariu, de l’Institut Périmètre, explorent cette idée en tant que nouvelle manière d’aborder la gravitation quantique. Les citations de cet article sont traduites de propos tenus en anglais par Ana-Maria Raclariu.