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Découverte d’un sursaut radio rapide qui se répète périodiquement

Une équipe de chercheurs canadiens vient d’annoncer la première détection d’un sursaut radio rapide qui se répète avec une fréquence prévisible.

Une équipe de chercheurs canadiens a franchi une autre étape en vue d’élucider l’un des mystères de l’heure en astrophysique. Dans un article publié ce mois-ci dans la revue Nature, l’équipe des SRR du télescope CHIME a annoncé la détection d’un sursaut radio rapide (SRR) qui se répète de façon périodique.

Détectés pour la première fois en 2007, les SRR sont des signaux radio ultrabrefs et de forte intensité qui viennent de l’extérieur de notre galaxie. Leur cause est encore inconnue, en grande partie parce qu’il est difficile de reconstituer un casse-tête dont il manque des morceaux : pendant plus d’une décennie après la découverte du premier SRR, on n’en a détecté que 25 autres, et un seul d’entre eux semblait se répéter, mais à intervalles irréguliers.

Maintenant, les pièces s’accumulent, grâce à un radiotélescope innovateur situé à Penticton, en Colombie-Britannique. Niché au creux d’une vallée à l’abri des interférences, le télescope CHIME (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment – Expérience canadienne de cartographie d’intensité de l’hydrogène) capte une vue grand-angulaire du ciel. Conçu à l’origine pour d’autres recherches, CHIME est devenu un as de la détection de SRR grâce en partie à la brillante conception d’un logiciel et d’algorithmes entreprise par Kendrick Smith, professeur à l’Institut Périmètre. Ce logiciel permet à CHIME de trier en temps réel un torrent de données pour saisir les éclairs de quelques millisecondes que sont les SRR.

Télescope CHIME
Le télescope CHIME, à Penticton, en Colombie-Britannique. Photo : Peter Klages, Université de Toronto.

« Avec une équipe relativement petite et un budget modeste, CHIME est devenu le télescope le plus puissant au monde pour la détection de SRR » [traduction], a déclaré M. Smith, titulaire de la chaire Famille-Daniel-James-Peebles de physique théorique à l’Institut Périmètre.

En janvier 2019, peu après la phase de prédémarrage, l’équipe du télescope CHIME a annoncé la détection de 13 nouveaux SRR, dont un répéteur. En août 2019, l’équipe a annoncé la détection d’un plus grand nombre de SRR, dont 8 nouveaux répéteurs. Puis en janvier de cette année, on a pu localiser l’un de ces SRR — le plus proche de la Terre détecté à ce jour.

Kendrick Smith.
Kendrick Smith, titulaire de la chaire Famille-Daniel-James-Peebles de physique théorique à l’Institut Périmètre

On dirait que l’équipe du SRR — formée de plus de 50 chercheurs, dont Kendrick Smith, Dustin Lang (informaticien à l’Institut Périmètre), le professeur associé Ue-Li Pen, de même que les doctorants Utkarsh Giri et Masoud Rafiei-Ravandi – a trouvé les pièces formant les bords du casse-tête en examinant la liste des prises du télescope CHIME depuis les débuts de la chasse aux SRR.

Chaque nouvelle observation contribue à cerner les causes possibles de ces signaux. Par exemple, les répéteurs ne peuvent pas être dus à des cataclysmes uniques tels que la fusion de 2 trous noirs. Le fait qu’un répéteur soit périodique et prévisible plutôt que sporadique et irrégulier fournit d’autres indices astrophysiques sur l’origine de ces sursauts.

Le nouveau répéteur périodique, baptisé FRB 180916.J0158+65, a une période de 16,35 jours et constitue la source la plus active dans la liste des SRR détectés par CHIME. Cette période fiable signifie que l’équipe du télescope CHIME peut continuer de suivre ses jaillissements afin de déterminer si leurs propriétés évoluent, fournissant des renseignements supplémentaires sur la source et son milieu.

« On dirait que ce SRR a des périodes actives et inactives, dit M. Lang. Les périodes actives durent environ 4 jours, et les périodes inactives environ 12 jours. Pendant les 4 jours d’activité, on peut l’observer pendant environ 20 minutes chaque jour lorsqu’il passe au-dessus du télescope CHIME. Pendant ces passages, on peut voir zéro, un ou plusieurs sursauts. » [traduction]

L’équipe a proposé quelques théories pour expliquer la nature périodique des sursauts. Plusieurs hypothèses font intervenir des étoiles à neutrons, vestiges compacts et ultradenses de l’explosion d’étoiles massives. Des sous-types actifs d’étoiles à neutrons sont particulièrement prometteurs : les pulsars, qui émettent des rayonnements le long de leurs pôles magnétiques, et les magnétars, dont le champ magnétique est ultrapuissant.

Dustin Lang, informaticien à l’Institut Périmètre

Selon une hypothèse, un pulsar ou magnétar en orbite autour d’un objet compagnon (peut-être une étoile ou un vestige d’étoile) pourrait émettre ces impulsions, l’angle de son orbite les orientant vers la Terre environ tous les 16 jours. Il se pourrait également que l’activité soit déclenchée par le passage de l’étoile à neutrons dans une ceinture d’astéroïdes ou un vent stellaire.

On sait aussi que les systèmes formés d’une étoile massive et d’un pulsar produisent des rayons X et des rayons gamma, de sorte qu’en pointant d’autres télescopes on pourrait obtenir d’importants diagnostics afin de cerner la nature des sursauts. Cependant, l’équipe fait remarquer que la distance vertigineuse de 485 millions d’années-lumière pourrait poser des difficultés.

« Cette détection d’un SRR répéteur que l’on peut suivre avec régularité ouvre soudainement la porte à un certain nombre d’autres observations, dit M. Smith. C’est vraiment la clé qui permettra de départager les nombreuses théories sur l’origine de ces sursauts. » [traduction]

Les découvertes risquent de s’accélérer au cours des prochaines années, alors que la technologie mise au point pour CHIME servira à créer des télescopes encore plus puissants. À l’heure actuelle, l’équipe du télescope CHIME construit un ensemble de télescopes « satellites » situés à des milliers de kilomètres du site du télescope principal. Ces ajouts multiplieront par 10 000 la résolution du télescope et permettront à CHIME de localiser avec précision les SRR jusqu’à leur galaxie de provenance.

Un autre télescope, appelé CHORD (Canadian Hydrogen Observatory and Radio-transient Detector – Observatoire canadien de l’hydrogène et détecteur de signaux radio transitoires), est actuellement en cours de conception par un consortium d’universités canadiennes, auquel se joint l’Institut Périmètre.

« CHORD sera 10 fois plus puissant que CHIME, dit M. Smith. Il ouvrira de nouveaux horizons pour l’étude de mystères de la cosmologie et de l’astrophysique. » [traduction]

« CHIME constitue un succès canadien remarquable qui transforme notre connaissance des SRR », a déclaré Robert Myers, directeur de l’Institut Périmètre. « Nous sommes évidemment fiers de contribuer à ce succès. Nous avons hâte de voir quels prochains mystères seront élucidés. » [traduction]

L’équipe SRR du télescope CHIME

L’équipe SRR du télescope CHIME réunit plus de 50 scientifiques sous la direction de l’Université de la Colombie-Britannique, de l’Université McGill, de l’Institut Périmètre, de l’Université de Toronto et du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). Le financement de 16 millions de dollars pour la construction du télescope a été fourni par la Fondation canadienne pour l’innovation ainsi que par les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec, avec des fonds supplémentaires de l’Institut Dunlap d’astronomie et d’astrophysique, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, et de l’Institut canadien de recherches avancées. Le télescope est situé dans les montagnes de la vallée de l’Okanagan, près de Penticton, en Colombie-Britannique, à l’Observatoire fédéral de radioastrophysique du CNRC. CHIME est une composante officielle de l’installation exploratoire SKA (Square Kilometre Array – Réseau d’un kilomètre carré).

Le télescope CHIME capte des sursauts radio rapides.

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