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Les gens de l’IP — Barak Shoshany, compositeur quantique

Les 2 passions d’enfance de Barak Shoshany, la musique et les sciences, se sont rejointes d’une manière inattendue à l’Institut Périmètre.

Jusqu’à l’âge de 20 ans, Barak Shoshany était certain de devenir musicien professionnel.

Grandissant en Israël, M. Shoshany a composé des œuvres, enseigné le piano et la guitare, et a fini par étudier la composition musicale à l’université.

Malgré tout, il a toujours senti que quelque chose lui manquait.

Alors que la musique comblait son côté artistique et émotif, il avait aussi une immense curiosité à propos de l’univers.

« Pendant toute mon enfance et toute mon adolescence, je lisais tous les livres de vulgarisation scientifique qui me tombaient sous la main, se souvient-il, en particulier à propos de la physique et des mathématiques. Pendant un temps, cela a suffi à satisfaire ma curiosité, mais arrivé à l’âge de 22 ans, je me suis rendu compte que si je voulais vraiment essayer de comprendre le fonctionnement réel de l’univers, je devais devenir scientifique moi-même. » [traduction]

Il n’aurait jamais pu prédire comment ses passions d’enfance allaient s’imbriquer.

Barak Shoshany a étudié les mathématiques et la physique à l’Université de Tel Aviv, passant ses étés au Grand collisionneur de hadrons du CERN, en Suisse, et à l’Institut Weizmann en Israël. Lorsqu’est venu le moment de faire une maîtrise, il a choisi le programme intensif PSI (Perimeter Scholars International – Boursiers internationaux de l’Institut Périmètre).

Il est resté à l’Institut Périmètre pour faire un doctorat sous la direction du professeur Laurent Freidel. M. Shoshany sait très bien que le casse-tête auquel il s’est attaqué — la recherche d’une théorie de la gravitation quantique — pourrait ne pas être résolu de son vivant.

Qu’est-ce que la gravitation quantique?

Pour décrire l’univers, les physiciens font appel à 2 théories extrêmement précises et bien testées : la mécanique quantique et la relativité générale. Ces 2 théories diffèrent l’une de l’autre sous pratiquement tous les aspects possibles : mathématique, physique, conceptuel, et même philosophique.

« D’une manière générale, cela ne pose pas de problème, explique M. Shoshany, puisque la mécanique quantique s’applique habituellement à des choses très petites, comme des atomes et des particules élémentaires, alors que la relativité générale s’applique surtout à des choses très grandes, comme des étoiles et des galaxies. Par conséquent, dans la plupart des cas, il suffit d’utiliser une seule des 2 théories — et, au besoin, de faire appel à certains éléments de l’autre théorie sous une forme approximative. » [traduction]

Par contre, la compréhension de certaines situations extrêmes — p. ex. l’intérieur de trous noirs ou les moments suivant le Big Bang — exige la mise en œuvre complète des 2 théories. Dans ces scénarios, où des approximations ne sont plus possibles, personne ne sait ce qui se passe. « Le terme gravitation quantique, poursuit M. Shoshany, désigne une théorie actuellement inconnue qui pourrait un jour nous dire ce qui se passe.

« À l’heure actuelle, nous avons au mieux quelques idées spéculatives, mais aucune théorie complète, et absolument rien qui s’approche d’une théorie scientifique qui puisse être mise à l’épreuve de manière expérimentale. » [traduction]

Des boucles pour comprendre l’univers?

En mécanique quantique, on se rend compte souvent que des grandeurs en apparence continues à l’échelle classique sont en fait constituées d’éléments discrets. Par exemple, lorsque l’on combine la mécanique quantique et l’électromagnétisme classique, on découvre qu’un champ électromagnétique est constitué en réalité de photons discrets.

La relativité générale décrit la gravité comme une conséquence de la courbure de l’espace-temps. Donc, si l’on suit cette logique, on s’attendrait dans une théorie de la gravitation quantique à ce que l’espace-temps lui-même soit constitué d’éléments fondamentaux discrets.

Les recherches de doctorat de Barak Shoshany sont centrées sur une théorie appelée gravitation quantique à boucles. L’un des résultats les plus célèbres de la gravitation quantique à boucles est sa prédiction selon laquelle l’espace-temps serait effectivement fondamentalement discret à l’échelle quantique. L’espace nous semble lisse et continu seulement parce que son caractère discret se manifeste lorsque l’on considère des distances infiniment petites, de plusieurs ordres de grandeur inférieures à la taille des atomes.

Un peu comme une photo numérique, qui apparaît constituée de pixels discrets lorsque l’on fait un zoom suffisamment puissant, la gravitation quantique à boucles prédit que, si l’on fait un zoom suffisamment puissant, on verra les éléments discrets qui constituent l’espace-temps lui-même.

Dans ses travaux de doctorat, M. Shoshany essaie de comprendre la nature de cet espace-temps quantique et ses liens avec l’espace-temps classique décrit par la relativité générale. C’est là qu’interviennent les boucles. Il se trouve que, pour décrire la géométrie d’un espace, il suffit de savoir comment un vecteur change lorsqu’il décrit des boucles dans cet espace en suivant ses courbes.

« C’est de là que vient le terme gravitation quantique à boucles, dit M. Shoshany. Dans cette théorie, on définit un graphe dans l’espace-temps — un ensemble de nœuds reliés par un réseau de liens. En suivant ces liens, on peut faire diverses boucles qui nous renseignent sur la courbure de l’espace-temps. Comme la gravité n’est qu’une courbure de l’espace-temps, la quantification de ces graphes, appelés réseaux de spins, équivaut à quantifier la gravité elle-même. » [traduction]

Barak Shoshany fait tout de suite remarquer que personne ne sait si la gravitation quantique à boucles est la bonne théorie de la gravitation quantique : « Je ne peux pas prétendre avec le moindre degré de certitude que mes recherches soient pertinentes en ce qui concerne l’univers réel. » [traduction]

Mais il ajoute que c’est là l’essence de la recherche en physique théorique. Les chercheurs élaborent sur le plan mathématique des théories spéculatives, jusqu’à ce que ces théories soient suffisamment cohérentes pour être soumises à l’épreuve de l’expérimentation.

« Certaines théories conduisent à une impasse, dit-il, mais quelques-unes pourraient révolutionner la science. » [traduction]

Agir comme mentor pour la prochaine génération de scientifiques

Barak Shoshany n’a pas pu garder longtemps pour lui seul sa passion des mathématiques et de la physique. En plus d’être assistant d’enseignement pour des cours du programme PSI — ceux-là même qu’il avait suivis comme étudiant dans ce programme —, il s’est porté volontaire pour participer aux nombreuses activités d’enseignement et de vulgarisation scientifique de l’Institut Périmètre. Lors des conférences mensuelles publiques de l’Institut, on peut généralement apercevoir M. Shoshany en train de répondre à des questions et de discuter de découvertes récentes en physique.

Au cours des 5 derniers étés, M. Shoshany a enseigné à l’École d’été internationale pour jeunes physiciens et physiciennes (l’ISSYP), camp de 2 semaines organisé à l’Institut Périmètre et qui plonge au cœur de la physique théorique des élèves exceptionnels du secondaire venus du monde entier. « Comme enseignant, il n’y a rien de mieux que d’avoir des élèves passionnés par ce qu’ils apprennent, et, année après année, c’est exactement ce que sont les participants à l’ISSYP. En fait, je suis triste d’arriver à la fin de mon doctorat et de quitter l’Institut Périmètre dans quelques mois, parce que je ne pourrai probablement plus enseigner à l’ISSYP. » [traduction]

Barak Shoshany a également participé au nouveau programme de l’Institut Périmètre pour étudiants de 1er cycle universitaire, où il a donné un cours sur les déplacements à une vitesse supérieure à celle de la lumière, les voyages dans le temps, ainsi que les violations de causalité en relativité générale. « Les voyages dans le temps peuvent sembler de la science-fiction, dit M. Shoshany. Ils constituent toutefois un domaine de recherche petit mais néanmoins actif au sein de la communauté de la relativité générale. Ce fut pour moi un défi en même temps qu’une expérience extrêmement amusante et satisfaisante d’enseigner le sujet et de superviser le projet de recherche de 2 étudiants de 1er cycle lié à ce thème. » [traduction]

La musique en mathématiques

Barak Shoshany dirige l’orchestre de l’Institut Périmètre, qui joue sa composition intitulée Music at the Planck Scale (Musique à l’échelle de Planck).

Au bout du compte, la voie que Barak Shoshany a choisie à l’âge de 22 ans n’a pas mis fin à sa relation avec la musique. D’une manière inattendue, ses recherches et la musique ont montré qu’elles évoluent en symbiose.

« Toutes les fois que, dans mes recherches, je bloque sur un problème en apparence impossible à résoudre, je me réconforte en jouant ou en composant de la musique, dit-il. Réciproquement, mes travaux sur la gravitation quantique à boucles ont stimulé ma créativité et m’ont inspiré l’écriture d’une œuvre orchestrale intitulée Music at the Planck Scale (Musique à l’échelle de Planck). » [traduction]

L’échelle de Planck est l’échelle de distance minuscule où, selon la théorie de la gravitation quantique à boucles, on croit que les éléments discrets de l’espace-temps quantique existent. Barak Shoshany était ravi lorsque l’orchestre de l’Institut Périmètre — formé de chercheurs, d’étudiants et de membres du personnel — a accepté de jouer cette œuvre, sous la direction du compositeur, lors d’un concert présenté au Théâtre des idées Mike-Lazaridis de l’Institut.

« Être là sur scène, la musique déferlant alors que je dirigeais l’exécution de ma pièce, a constitué l’un des moments forts de mes 5 années passées à l’Institut Périmètre, se rappelle-t-il. J’avais l’impression que les composantes de ma vie se rejoignaient, ou plutôt que la boucle était bouclée! » [traduction]

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