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Des chercheurs de l’Institut Périmètre combattent la pandémie de COVID-19

Plusieurs chercheurs de l’Institut Périmètre participent à des projets qui ont pour but de comprendre, de surveiller et de combattre la propagation du coronavirus à l’origine de la pandémie de COVID-19.

illustration of virus atoms

Ce ne sont pas des cosmologistes qui vont vaincre la pandémie de COVID-19. Mais quand le nouveau coronavirus a commencé à se répandre dans le monde au printemps 2020, de nombreux chercheurs de l’Institut Périmètre se sont rendu compte qu’il pourrait y avoir une nouvelle demande pour certaines de leurs compétences spécialisées.

Kendrick Smith et le suivi des mutations

Portrait of a man standing in front of a blackboard of equations
Kendrick Smith

Le cosmologiste Kendrick Smith est un expert de classe mondiale dans l’élaboration de techniques mathématiques qui servent à extraire des propriétés physiques fondamentales à partir de données d’astronomie. L’un de ses projets les plus récents a consisté à créer les logiciels permettant au télescope CHIME (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment – Expérience canadienne de cartographie d’intensité de l’hydrogène) de trouver des sursauts radio rapides. Étant donné ses compétences, M. Smith s’est avéré une ressource parfaite pour les chercheurs de l’Université McMaster et de l’hôpital Sunnybrook qui séquencent le génome du coronavirus.

Le séquençage d’un génome est un processus qui exige énormément de calculs — non seulement parce qu’il y a beaucoup de données, mais aussi parce que ce processus suppose d’« amplifier » le génome et de le lire par petits morceaux. « Imaginez que vous voulez lire un livre, dit M. Smith, que quelqu’un a fait un million de copies de quelques centaines de mots et que vous devez reconstituer toute l’histoire. » [traduction]

L’équipe de l’Université McMaster et de l’hôpital Sunnybrook étudiait plus précisément les différences entre les génomes du virus qui infectaient divers patients – autrement dit les mutations du nouveau coronavirus. Certaines mutations peuvent se propager plus facilement. D’autres peuvent rendre les personnes plus malades. Et en sachant qui est porteur de quelle souche, on peut mieux suivre la propagation du virus. « Le fait de parler d’un seul virus est une simplification de la réalité, dit M. Smith. Il en existe des centaines de mutations. » [traduction]

Le défi est énorme, et l’équipe de génomique avait besoin de l’aide d’un bon développeur de logiciels — quelqu’un qui ait l’expérience de grandes quantités de données scientifiques en désordre. L’équipe s’est adressée à l’Institut Périmètre, dont le directeur Rob Myers a donné le nom de Kendrick Smith. Celui-ci a offert son temps bénévolement et a mis au point le logiciel voulu. Il a tôt fait de souligner qu’il n’est pas l’auteur de cette recherche — ce sont les généticiens qui étudient les mutations virales. « Mais je me suis senti vraiment utile et j’ai été très heureux d’y contribuer, dit-il. Nous voulons tous être utiles dans le combat contre la pandémie. » [traduction]

Appelé SIGNAL, le logiciel est accessible au public, et une importante étude comparant les génomes viraux de 1 000 patients devrait paraître bientôt.

Neil Turok et les tests groupés

Portrait of a man with a floral shirt, glasses, and a big smile
Neil Turok

Le cosmologiste Neil Turok est connu pour ses recherches innovatrices visant la compréhension du Big Bang et pour son travail comme fondateur de l’Institut africain de sciences mathématiques (AIMS pour African Institute for Mathematical Sciences), l’un des instituts étroitement associés à l’Institut Périmètre. Avec des collègues de l’AIMS, M. Turok travaille sur les tests groupés d’infections au coronavirus.

Aussi appelé « dépistage sur mélange d’échantillons », un test groupé consiste à mélanger les prélèvements effectués sur plusieurs patients. Dans sa forme la plus simple, un test groupé permet de déclarer plusieurs personnes négatives si le mélange de leurs échantillons est négatif. Neil Turok s’est dit que l’idée pouvait être poussée plus loin. Selon le schéma qu’il a envisagé, lorsqu’un groupe d’échantillons est positif, on pourrait combiner autrement les échantillons de ces patients afin d’identifier les personnes infectées.

Pour mettre au point ce nouveau schéma de tests groupés, M. Turok travaille avec une équipe pluridisciplinaire qui comprend Wilfred Ndifon, biologiste mathématicien et directeur de la recherche à l’AIMS, et Léon Mutesa, généticien à l’Université du Rwanda et coordonnateur du groupe de travail de ce pays sur la réponse à la COVID-19.

Leur nouveau schéma fonctionne sur une base géométrique. Supposons qu’on teste un groupe de 9 personnes placées selon une grille de 3 lignes sur 3 colonnes. On réalise des tests groupés par ligne, puis par colonne. Supposons que l’on obtienne un résultat positif uniquement pour la 1re ligne et la 3e colonne. Cela signifie que la personne qui est sur la 1re ligne et la 3e colonne est infectée. En procédant de cette manière, on obtient les « coordonnées » (ligne et colonne) de toute personne positive parmi un groupe de 9 avec seulement 6 tests en tout.

Mais il n’y a aucune raison de s’arrêter à une grille bidimensionnelle. Avec un cube comportant 3 lignes, 3 colonnes et 3 étages, 12 tests permettent de connaître les personnes positives dans un groupe de 27. Et si l’on continue avec des hypercubes — c’est-à-dire des cubes ayant plus de 3 dimensions? Avec 4 dimensions, on a les résultats pour 81 personnes avec 15 tests, et avec 5 dimensions, les résultats pour 243 personnes avec 18 tests. « Pour les physiciens, c’est très naturel de travailler dans un grand nombre de dimensions, dit M. Turok. En fait, je crois que nous le faisons un peu trop. Mais dans le cas présent, cela procure d’immenses avantages pratiques. » [traduction]

Ce schéma de test est déjà utilisé dans un essai mené dans le très moderne Centre de génétique humaine de l’Université du Rwanda, dirigé par Léon Mutesa, l’un des membres de l’équipe de Neil Turok. L’idée fait même son chemin en dehors du milieu universitaire. « La méthode est maintenant employée pour tester régulièrement les membres d’une des principales équipes de rugby de l’Afrique du Sud, dit M. Turok, et elle va probablement se répandre. » [traduction]

Ces premiers efforts montrent que le nouveau schéma de tests groupés permet de réduire considérablement le nombre de tests nécessaires pour identifier les personnes infectées. Jusqu’à maintenant, on a réduit les coûts d’un facteur de 15 par rapport à des tests individuels. Avec d’autres améliorations, des réductions de coût d’un facteur de 100 semblent réalisables.

D’autres spécialistes de la santé publique dans le monde entier commencent à s’intéresser à cette méthode.

« Nous en sommes au début, mais je pense que cela pourrait être révolutionnaire, dit Neil Turok. Ce serait alors merveilleux de constater que cela vient de l’Afrique. » [traduction]

Niayesh Afshordi et la COVID en tant que matière sombre

Three-quarters portrait of a man in front of a blackboard of equations
Niayesh Afshordi

L’astrophysicien Niayesh Afshordi se dit obsédé par les indices observationnels concernant l’énergie et la matière sombres qui constituent la plus grande partie de notre univers. Son projet concernant la COVID cherche à utiliser les idées mathématiques de la cosmologie de la matière sombre pour modéliser la présence cachée du nouveau coronavirus.

« Je crois que l’épidémiologie et la cosmologie ont beaucoup de choses en commun, dit-il. Dans les deux cas, nous sommes en présence d’une forte composante d’une ‘matière sombre’ mystérieuse et invisible qui nous entoure, et nous ne pouvons en déduire les propriétés que de manière indirecte, par l’intermédiaire de marqueurs incomplets et biaisés. » [traduction]

M. Afshordi a collaboré avec d’autres physiciens et avec des chercheurs du géant informatique Wolfram Research. Comme des astronomes qui recherchent la matière sombre en étudiant de nombreuses galaxies, l’équipe a analysé un ensemble complet de données locales sur l’épidémie de COVID-19 aux États-Unis, dans le but de découvrir les facteurs qui comptent et ceux qui ne comptent pas dans la propagation de la maladie. Ces données portaient sur la démographie, la densité de population, les facteurs climatiques et la mobilité.

L’équipe a ensuite fait appel à des techniques statistiques issues de la cosmologie pour construire un modèle capable de faire des prédictions sur l’évolution possible de la mortalité due à la COVID-19 en réaction à des facteurs externes. Ce modèle est maintenant accessible sous forme d’un tableau de bord public, et l’équipe espère que des collectivités pourront s’en servir pour élaborer de bonnes politiques — et peut-être même sauver des vies.

Mark Penney et la modélisation de réseaux

Mark Penney

Mark Penney est postdoctorant en physique mathématique. Lorsque la pandémie a frappé, il a laissé de côté ses travaux sur la théorie quantique des champs topologiques pour se joindre aux biologistes mathématiciens Chris Bauch, de l’Université de Waterloo, et Madhur Anand, de l’Université de Guelph, afin de travailler sur des modèles informatiques de la propagation du coronavirus.

Leur modèle repose sur des idées de la théorie des réseaux. Il s’agit d’un vaste domaine qui permet d’étudier énormément de choses, des réseaux de distribution d’électricité aux relations entre prédateurs et proies, en passant par les flux de travail. Dans le cas présent, le réseau sur lequel ils travaillent est de nature sociale. M. Penney explique : « Nous étudions l’influence de la structure du réseau de contacts sociaux entre les gens sur la propagation de la maladie. » [traduction]

Cette façon de modéliser la propagation d’une maladie n’est pas inhabituelle, mais l’équipe a trouvé une manière de rendre le modèle plus puissant en y ajoutant la théorie de la percolation.

Selon M. Penney, la plupart des gens connaissent la préparation du café au percolateur. « D’une certaine manière, dit-il, la propagation d’une maladie infectieuse au sein d’une collectivité suit un processus semblable à celui de la percolation. Au lieu de l’eau qui se fraie un chemin dans les petits espaces qui séparent les granules de café moulu, c’est un virus qui passe par les contacts sociaux. En étudiant la percolation dans un réseau plutôt que dans un matériau, on touche certains aspects de la propagation d’une maladie infectieuse. » [traduction]

En élaborant un modèle de la manière dont le coronavirus percole dans nos réseaux sociaux, l’équipe vise à éclairer les décisions concernant la meilleure manière de distribuer un nombre limité de tests ou de vaccins. « Si l’on arrive à cibler de manière sélective les personnes ayant le plus grand nombre de contacts, dit M. Penney, moins de ressources seront nécessaires pour obtenir la même réduction de la propagation de la maladie. » [traduction]

Il faut évidemment tenir compte des considérations de protection de la vie privée, mais des outils comme l’application canadienne Alerte COVID peuvent fournir un moyen d’éclairer les décisions en matière de politique médicale sans compromettre la vie privée des personnes.

L’équipe s’efforce de rendre son modèle plus réaliste, et donc plus utile. C’est un projet de grande ampleur, et Mark Penney soupçonne qu’il monopolisera la plus grande partie de son temps au cours de la prochaine année. Mais selon lui le jeu en vaut la chandelle : « Certains chiffres fondés sur des réseaux beaucoup plus théoriques laissent entendre que des stratégies de vaccination guidées par l’application Alerte COVID permettraient d’obtenir une immunité collective en économisant des millions de doses de vaccin. » [traduction]

Et bien d’autres encore

Ces 4 scientifiques font partie des nombreux chercheurs et anciens de l’Institut Périmètre qui se sont orientés dans de nouvelles directions, mettant à profit des compétences très développées en mathématiques, en modélisation, en réalisation de logiciels et en résolution de problèmes pour aider à combattre la pandémie de COVID-19.

Que ce soit par des contributions ponctuelles cruciales comme le logiciel mis au point par Kendrick Smith, ou par des projets de recherche intensive sur plusieurs années comme celui auquel participe Mark Penney, l’Institut Périmètre œuvre avec l’espoir d’un avenir postpandémie.

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