Des chercheurs de l’IP et de l’IQC réalisent un test expérimental à trois fentes de la mécanique quantique
Les auteurs d’un article publié dans la revue Science, dont des chercheurs de l’Institut Périmètre, rapportent les résultats du test expérimental le plus rigoureux à ce jour de la règle de Born, l’un des postulats centraux de la mécanique quantique.
Dans un article publié récemment dans la revue Science, des chercheurs de l’Institut d’informatique quantique (IQC), de l’Institut Périmètre (IP) et de l’Université d’Innsbruck rapportent les résultats du test expérimental le plus rigoureux à ce jour de la règle de Born, l’un des postulats centraux de la mécanique quantique.
Les chercheurs ont mis au point une variante de la célèbre expérience des fentes de Young, dans laquelle un faisceau de particules subatomiques telles que des photons ou des électrons traverse deux fentes rapprochées percées dans un écran. Lorsqu’un grand nombre de particules sont émises, un motif caractéristique d’interférence ondulatoire se forme, même si les particules sont émises une à la fois – curieuse dualité « onde-particule » néanmoins prédite par la mécanique quantique.
La règle de Born est un axiome de la mécanique quantique qui définit la probabilité qu’une mesure d’un système quantique ait un résultat donné. Dans le cas présent, la règle de Born stipule que l’intensité du motif ondulatoire se calcule en élevant au carré la somme des ondes qui traversent chacune des deux fentes. Cette règle du carré implique que l’interférence quantique se limite aux paires de trajectoires (ou plus généralement aux paires de possibilités mutuellement exclusives dans l’espace-temps) et que, réciproquement, si l’on constate que l’interférence est limitée aux paires de possibilités, alors une version de la règle de Born doit être valable.
Mais que se passe-t-il s’il y a plus de deux fentes? Un phénomène qualitativement nouveau peut-il faire son apparition? En 1994, Rafael Dolnick Sorkin, maintenant chercheur à l’IP, a postulé qu’une version généralisée de la mécanique quantique pourrait permettre une interférence entre plusieurs trajectoires (ou d’ordre plus élevé). En 2001, les travaux de Lucien Hardy, maintenant chercheur à l’IP, ont également fait état d’une telle possibilité. Si l’on trouvait une interférence entre plusieurs trajectoires, la règle de Born ne suffirait pas à calculer correctement le motif d’interférence, et il faudrait donc procéder à une révision majeure de la physique quantique.
Les auteurs de l’article ont mis à l’épreuve l’idée de M. Sorkin en concevant une expérience « à trois fentes » consistant à envoyer un par un des photons dans un système de trois fentes, afin de vérifier si les résultats observés correspondaient aux prédictions de la physique quantique. Ils ont envoyé des photons sur les trois configurations possibles de deux fentes, puis ont répété les mesures avec une seule fente ouverte à la fois, puis avec les trois fentes ouvertes en même temps (ainsi qu’avec les trois fentes fermées pour établir une mesure de base). Dans cette situation, une équation simple et très générale exprime l’essence de la règle de Born : la somme des motifs d’interférence obtenus avec zéro, une, deux ou trois fentes et en changeant de signe chaque fois devrait être nulle! L’expérience a confirmé cela à 1 % près.
Les résultats de cette expérience confirment les prévisions de la mécanique quantique, tout en ouvrant de nouvelles avenues de mise à l’épreuve de la mécanique quantique avec une précision encore plus grande. L’un des auteurs de l’article, Raymond Laflamme, professeur associé à l’IP et directeur de l’IQC, a insisté sur l’importance fondamentale de cette expérience dans la recherche d’une théorie unifiée de la mécanique quantique et de la gravitation, l’un des objectifs centraux de la physique théorique actuelle.
Selon M. Sorkin, « de nombreux physiciens croient qu’un mariage réussi de la gravitation et de la théorie quantique des champs supposera des modifications à la mécanique quantique, mais personne ne sait jusqu’à quel point cette révision devra être radicale. Cette expérience nous apprend que, à la précision atteinte à ce jour, la nature se satisfait du type d’interférence à deux fentes que nous connaissons déjà et qu’elle ne montre pas de nouvelles formes d’interférence faisant intervenir trois possibilités ou plus. » [traduction]
Selon Urbasi Sinha, boursière postdoctorale à l’IQC et auteure principale de l’article, on prévoit des expériences complémentaires avec différentes manières de créer des interférences entre trois trajectoires et divers montages. « Nous vivons une période excitante, dit-elle. Alors que la communauté scientifique consacre énormément de temps et d’efforts à élaborer une théorie de la gravitation quantique, il est très important de tester de manière précise les postulats de la mécanique quantique avant de progresser en direction de généralisations possibles. » [traduction]
Lectures complémentaires
– U. SINHA, C. COUTEAU, T. JENNEWEIN, R. LAFLAMME et G. WEIHS, « Ruling Out Multi-Order Interference in Quantum Mechanics », Science, vol. 329, no 5990 (23 juillet 2010), p. 418-421. DOI : 10.1126/science.1190545.
– The Challenge of Quantum Reality (Le défi de la réalité quantique), ressource pédagogique de l’Institut Périmètre sur la mécanique quantique et l’expérience des fentes de Young