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Un nouveau chercheur de l’Institut Périmètre étudie de manière originale les composants de la nature

Raffi Budakian, nouveau professeur associé à l’Institut Périmètre, fait le pont entre la théorie et l’expérimentation grâce à de nouvelles manières d’entrevoir le monde de l’infiniment petit.

Raffi Budakian a inventé de nouvelles manières d’examiner des phénomènes à l’échelle microscopique.
 
Il conçoit et réalise des instruments de détection ultrasensibles qui permettent d’observer la nature de façon fondamentalement nouvelle.
 
« Chaque fois que l’on dispose d’un nouvel outil pour étudier un système, cela permet d’apprendre quelque chose de neuf à propos de ce système », déclare Raffi Budakian, professeur associé à l’Institut Périmètre et professeur à l’Université de Waterloo.
 
« C’est ainsi qu’ont été réalisées la plupart des découvertes scientifiques dans le passé, et ce processus se poursuit aujourd’hui. » [traduction]
 
Pour voir quelque chose de nouveau, M. Budakian a dû faire des prouesses de miniaturisation. La longueur de l’instrument qu’il utilise correspond au diamètre d’un cheveu, et sa circonférence est celle d’un virus.
 
« J’ai adopté ce domaine de recherche comme postdoctorant au Centre de recherches Almaden d’IBM à San Jose. Je travaillais alors avec Dan Rugar (gestionnaire des études nanométriques à la Division de la recherche d’IBM) sur une nouvelle technique appelée  microscopie à force de résonance magnétique (MRFM). » [traduction]
 
La MRFM combine deux puissants outils d’exploration de la nature : la résonance magnétique (utilisée en imagerie par résonance magnétique ou IRM) et la microscopie de force (l’examen de minuscules objets en mesurant les forces qui agissent sur eux).
 
Une machine d’IRM révèle les tissus et les structures internes du corps humain de manière non effractive, en mesurant de manière fort ingénieuse le spin, unité fondamentale du magnétisme.
 
Le corps humain – comme toute matière – est formé d’électrons, de protons et de neutrons. Ces particules ont un spin et produisent donc des champs magnétiques. La résonance magnétique utilise le spin d’une particule donnée comme une sorte d’horloge extrêmement précise.
 
Le corps humain, surtout constitué d’eau, compte donc énormément de molécules de H2O. L’atome d’hydrogène possède l’un des moments magnétiques les plus forts qui soient et une fréquence de spin spécifique. Par conséquent, lorsqu’une machine d’IRM applique un champ magnétique d’intensité connue sur l’ensemble du corps, elle peut détecter le spin des seuls protons de ces molécules d’eau. Avec une quantité suffisante de protons, on peut produire une image précise de ce qui se passe à l’intérieur du corps sans avoir besoin de scalpel.
 
« L’IRM va bien pour quelque chose d’aussi gros que le corps humain, mais elle ne fonctionne que s’il y a une grande quantité de protons pour construire un signal, affirme M. Budakian.
 
« La MRFM a une sensibilité des milliards de fois supérieure à celle de l’IRM. Elle donne des images d’objets tels que de simples molécules, des particules de virus et des protéines. Elle permet de visualiser tranche par tranche des objets tout à fait minuscules sans les détruire et elle procure de l’information chimique en révélant la nature et la disposition des atomes qu’ils contiennent. » [traduction]
 
Raffi Budakian se sert de ce nouvel outil pour explorer des questions fondamentales à propos de la nature.
 
« Cet outil a de nombreuses applications pour des problèmes d’intérêt social et scientifique. En biologie structurale, il permet aux scientifiques d’examiner un virus isolé et de connaître avec exactitude sa structure, y compris l’information chimique, ce qui transformera cette discipline, explique-t-il.
 
« Dans le domaine de la matière condensée, où l’on étudie la physique de matériaux et de systèmes corrélés, la MRFM nous aide à comprendre de nombreux effets de systèmes à N corps – des phénomènes qui font leur apparition lorsque des particules interagissent pour donner lieu à une excitation collective ou à un état de la matière. En général, on ne peut mesurer que l’effet global – l’ensemble de toutes les particules. La MRFM permet de faire des mesures locales incroyablement précises, à l’échelle nanométrique. Cela nous aidera à mieux comprendre des états de la matière tels que la supraconductivité, où les choses intéressantes semblent se produire à la surface des matériaux. » [traduction]
 
Le terme microscopie à force de résonance magnétique semble complexe, mais « l’instrument lui-même est étonnamment simple » [traduction], poursuit M. Budakian en faisant afficher une image 3D sur son ordinateur portatif.
 
Image credit: The Budakian Group
Image : le groupe Budakian
 
« Il suffit de détecter des forces : si l’on peut mesurer le champ magnétique de quelque chose, on peut connaître son spin. On prend donc un échantillon, on le place sur un minuscule cantilever, et on le fait passer sur ce qui est à mesurer par résonance magnétique pour coder uniquement les spins voulus. Le mouvement du cantilever donne la mesure dont nous avons besoin. Comme vous pouvez l’imaginer, le plus difficile est la réalisation d’un instrument suffisamment petit et précis pour faire de telles mesures. » [traduction]
 
Pour fabriquer un cantilever qui soit aussi petit, il ne faut pas le construire.
 
« Les instruments les plus sensibles que nous utilisons ne sont pas construits, mais plutôt cultivés, explique-t-il. On commence par une particule de catalyseur : une minuscule particule d’or placée sur une surface de silicium. On met le catalyseur dans une fournaise avec du silane à l’état gazeux, contenant le silicium qui se fixe sur l’or à haute température. Au bout du compte, on obtient par culture un minuscule bâtonnet de silicium qui a grandi de manière préférentielle sur l’or – et le tour est joué. » [traduction]
 
Le cantilever ainsi obtenu a un diamètre d’environ 50 nanomètres et une longueur de 20 micromètres.
 
« C’est la partie mécanique de notre appareil de mesure. Nous fixons une molécule de ce avec quoi nous voulons interagir à l’extrémité de ce bâtonnet et nous l’amenons près de l’objet qui produit le gradient et la résonance magnétiques, le tout à très basse température. Cela nous donne les mesures puis l’image voulues. » [traduction]
 
Cet exploit illustre ce qui se produit lorsque l’on met à l’épreuve en laboratoire les découvertes de la physique théorie de la matière condensée. C’est ce genre de collaboration entre la théorie et la pratique qui a attiré Raffi Budakian à l’Institut Périmètre et à Waterloo.
 
« Les personnes avec qui je collabore sont diversifiées : je traite avec des scientifiques qui posent des questions fondamentales, que je me pose moi-même, mais je travaille aussi avec des ingénieurs qui savent comment fabriquer des choses, dit-il.
 
« La grande proximité de l’Institut Périmètre et de l’Institut d’informatique quantique (IQC) a été un facteur déterminant dans ma venue à Waterloo, parce que notre technique est fondamentalement une technique quantique. La présence d’experts techniques à l’IQC est stimulante – je peux concevoir des expériences dont je ne pouvais pas rêver auparavant.
 
« À l’Institut Périmètre, où l’on se concentre sur des questions théoriques, j’ai accès à beaucoup d’idées différentes. Pas plus tard qu’hier, je discutais avec un groupe de cosmologistes qui travaillent sur des problèmes dont les effets sont ressentis grâce au spin. L’Institut Périmètre permet d’ouvrir ce genre d’avenues inattendues, des applications plus ambitieuses de nos techniques et de nos outils. Ce ne sont pour l’instant que des sujets de réflexion amusants et stimulants, pas encore des programmes de recherche; mais cela fait partie du processus. » [traduction]
— Phil Froklage

 
 

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