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Des ondes qui font des vagues

Des chercheurs dans le domaine des ondes gravitationnelles se sont réunis à l’occasion du premier atelier scientifique tenu en personne à l’Institut Périmètre depuis le début de la pandémie.

Man speaking at a microphone in a theatre of other people

Au milieu des conversations sur les ondes gravitationnelles dans le bistro Black Hole de l’Institut Périmètre, Maya Fishbach ressentait une énergie particulière difficile à détecter depuis le début de la pandémie il y a 2 ans.

« Depuis 2 ans, nous prétendions pouvoir tout faire à distance, comme si la science n’était pas une activité sociale, mais nous avions tort » [traduction], dit Mme Fishbach, chercheuse de l’Université Northwestern, en Illinois, qui a fait un exposé lors du premier atelier scientifique organisé en personne à l’Institut Périmètre depuis le début de la pandémie de COVID-19.

Pour les chercheurs qui travaillent sur les ondes gravitationnelles, domaine nouveau et en rapide évolution, il est de plus en plus important qu’ils se rencontrent pour discuter des méthodes et des résultats dans leur domaine.

D’une durée de 5 jours, l’atelier intitulé Gravitational Waves Beyond the Boxes II (Du nouveau à propos des ondes gravitationnelles II) s’est déroulé en mode hybride, à la fois en personne et en ligne. Mais les 40 chercheurs et étudiants qui ont participé en personne à cet atelier ont à nouveau rempli un espace physique conçu pour favoriser la collaboration.

À l’Institut Périmètre, les espaces de réflexion tapissés de tableaux noirs, les zones d’interaction informelle, l’auditorium intimiste et le bistro accueillant bourdonnaient de conversations qui avaient cruellement manqué aux chercheurs et à leurs étudiants depuis que les confinements dus à la pandémie avaient commencé au Canada en mars 2020.

On ne sait pas encore si les vagues de la pandémie vont complètement cesser et si les choses pourront reprendre plus normalement cette année, mais l’activité tenue en personne au début d’avril a donné espoir aux chercheurs, sous la forme d’un répit dans la fatigue des séances par Zoom.

Patricia Schmidt, chercheuse à l’Université de Birmingham, qui a aussi fait un exposé, dit que ce fut pour elle une rare rencontre en personne avec d’autres experts des ondes gravitationnelles, mis à part une activité à l’Université de la Californie à Los Angeles qui s’est tenue dans le cadre d’un programme de résidence plus long. Beaucoup de ses exposés récents ont été limités à des réunions par Zoom.

Dans un auditorium, grand écran où apparaissent le visage de conférenciers

« De nos jours, la plupart des grandes idées ne naissent pas dans l’isolement, dit-elle. Elles résultent d’interactions, de conversations, du choc des idées, d’exposés qui peuvent avoir un lien avec vos recherches, mais qui ne portent pas nécessairement sur vos travaux actuels. C’est cela qui inspire et déclenche de nouvelles idées. » [traduction]

Elle ajoute que les interactions en personne sont particulièrement utiles pour les étudiants diplômés et les postdoctorants en début de carrière : « Il est extrêmement important pour eux de bâtir leur réseau, de faire connaissance avec leurs pairs et d’apprendre à mener des interactions scientifiques de calibre professionnel. » [traduction]

Reed Essick, postdoctorant en gravité forte à l’Institut Périmètre, dit que même si le personnel technique de l’Institut a fait un travail fantastique pour soutenir les exposés en mode virtuel, les « petites interactions » lors d’activités en personne sont primordiales.

« Vous prenez un café, vous entendez quelqu’un dire quelque chose qui attire votre attention, et cela vous donne une autre idée. C’est plus facile de dire ‘Pouvez-vous expliquer cela plus en détail?’ que d’envoyer un courriel. » [traduction]

Luis Lehner, professeur à l’Institut Périmètre et chercheur sur la gravité forte, décrit l’Institut comme un parapluie inclusif qui réunit des chercheurs confirmés et des plus jeunes venus du monde entier, et leur donne une chance de se connaître.

Selon lui, la technologie de la vidéoconférence a l’avantage de réduire les temps de déplacement et l’empreinte carbone ainsi que d’être moins coûteuse, mais les rencontres en personne permettent des interactions fortuites qui sont difficiles à remplacer.

« Tant que la technologie n’aura pas énormément progressé, dit-il, certaines composantes des interactions en personne seront irremplaçables. » [traduction]

L’atelier a eu lieu à un moment crucial, alors que s’ouvre une ère entièrement nouvelle pour l’astrophysique et la gravité forte.

La première détection d’ondes gravitationnelles, produites par la fusion de 2 trous noirs à environ 1,3 milliard d’années-lumière de la Terre, a été annoncée en 2015 par le LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory – Observatoire d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser).

Même si Albert Einstein avait prédit ces « ondulations de l’espace-temps » un siècle auparavant dans sa théorie de la relativité générale, la capacité de les détecter produit des données sur ce qui se passe réellement lorsque des objets cosmologiques extrêmes tels que des trous noirs ou des étoiles à neutrons tournent l’un autour de l’autre en spirale et finissent par fusionner.

Depuis 2015, il y a eu une croissance énorme des données disponibles. Au moins 90 détections confirmées de tels événements ont été cataloguées jusqu’à maintenant, y compris une collection récente de 35 événements enregistrés en 21 semaines, soit en moyenne une détection d’ondes gravitationnelles tous les 4,2 jours.

Dans l’avenir, de nouvelles détections seront réalisées non seulement par les installations du LIGO dans les États de Louisiane et de Washington ainsi que par leur détecteur frère Virgo, en Italie, mais aussi par le nouveau détecteur KAGRA, au Japon, qui s’est joint à ces recherches en 2020. « Dorénavant, dit Mme Schmidt, nous prévoyons faire une détection d’ondes gravitationnelles par jour. » [traduction]

Les données de ces détections fourniront aux scientifiques des détails plus précis sur de nombreux autres trous noirs et étoiles à neutrons de différentes tailles en orbite mutuelle rapprochée, ce qui produit des ondes gravitationnelles. Mais, selon Huan Yang, l’un des organisateurs de l’atelier ainsi que chercheur à l’Université de Guelph et professeur associé en gravité forte à l’Institut Périmètre, ces événements gravitationnels extrêmes permettront aussi aux scientifiques de tester plus à fond la théorie de la relativité générale d’Einstein.

Homme debout devant un micro et s'adressant au public dans un auditorium

M. Yang ajoute que cela pourrait aider les physiciens dans leur quête d’une théorie unifiée combinant la gravitation avec nos connaissances à propos des particules et forces fondamentales présentes dans l’univers. Selon lui, cela pourrait également mener à la découverte de nouvelles forces ou particules pouvant constituer la matière sombre.

« Les ondes gravitationnelles produisent des signaux clairs qui peuvent vraiment nous aider à comprendre ce qui se passe » [traduction], dit-il.

Par contre, Mme Schmidt estime que la grande quantité de données présente aussi de nouveaux défis, « maintenant que nous travaillons dans un régime de statistiques abondantes. » [traduction]

Mme Fishbach dit que, lors de l’atelier, beaucoup de ces discussions ont porté sur les défis que pose une forte augmentation du nombre de détections d’ondes gravitationnelles.

« Une grande partie de ces défis, dit-elle, consiste à définir les questions intéressantes auxquelles nous voulons obtenir des réponses à partir de toutes ces données. » [traduction] Elle ajoute que nous devons aussi nous assurer d’avoir les bons outils pour analyser ces masses de données et éliminer les incertitudes quant à leur interprétation.

Malgré les défis qu’elles posent, ces masses de données recèlent des trésors de découverte qui donneront dans les prochaines années beaucoup de travail aux jeunes chercheurs.

« Je crois que nous sommes dans une phase de transition qui consiste à passer de la simple détection à une connaissance précise de ces fusions, ajoute M. Yang. Cet atelier arrive au bon moment, parce que beaucoup des sujets abordés concernent des possibilités et des défis : comment réaliser cette transition et comment nous devrions nous préparer aux détections à venir. » [traduction]

Quand Huan Yang était doctorant à l’Institut de technologie de la Californie, on connaissait les ondes gravitationnelles par la théorie d’Einstein, mais elles étaient évanescentes, émanant d’équations écrites au tableau ou sur papier. Cependant, personne ne savait si on pourrait un jour vraiment les détecter. Maintenant, elles ont une existence réelle.

« On croit qu’elles existent, dit M. Yang, mais quand leur réalité est confirmée, on éprouve un sentiment différent. C’est vraiment excitant. » [traduction]

Avec l’obtention d’encore plus de données et la possibilité de répondre à de grandes questions sur le fonctionnement de la gravité, l’excitation va grandir, selon M. Essick. Mais il ajoute qu’un travail d’équipe sera nécessaire pour répondre à ces questions. C’est pourquoi des conférences et ateliers en personne sont si importants dans ce domaine de recherche nouveau et en pleine croissance.

« Il y a tellement de choses à comprendre, c’est beaucoup trop pour une seule personne; il faut donc une équipe, dit-il. C’est formidable de pouvoir en réunir une ici afin de parler du travail à effectuer et élaborer un plan d’action. » [traduction]

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