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Une collision d’étoiles à neutrons déclenche une nouvelle ère de découvertes

Lorsque des dizaines de télescopes se sont tournés vers une source d’ondes gravitationnelles détectée par les observatoires LIGO et Virgo, le riche éventail d’information qu’ils ont recueilli a marqué le début de l’astronomie multimessage.

Elle est venue. Nous l’avons vue. La science a vaincu.

Lorsque les observatoires LIGO et Virgo ont détecté le 17 août une onde gravitationnelle ayant une signature caractéristique, ils ont envoyé à 70 télescopes du monde entier un message urgent demandant d’observer un coin du ciel situé dans la constellation de l’Hydre, à 130 millions d’années-lumière de nous.

Il s’est avéré que 2 étoiles à neutrons — l’une de 1,6 masse solaire et l’autre de 1,1 masse solaire, chacune occupant un volume plus petit qu’une ville moyenne — venaient d’entrer en collision (ou, plutôt, qu’elles étaient entrées en collision il y a 130 millions d’années et que les effets ondulatoires de cet événement parvenaient tout juste à la Terre).

Les astronomes ont immédiatement orienté leurs télescopes dans cette direction et, au cours des jours qui ont suivi, ils ont pu enregistrer toutes les réverbérations cosmiques de la collision, depuis des bouffées de rayons gamma jusqu’à des ondes radio de grande longueur d’onde.

C’était la première fois que l’on recueillait une information aussi riche à propos d’un événement cosmique aussi éloigné et violent — cela avait été prédit par la théorie, mais n’a pu se réaliser que grâce à des appareils de pointe et à une collaboration internationale. Le succès de ces mesures marque le début de l’ère de l’astronomie multimessage.

Ondes de gravité et éclairs de lumière : les observatoires du monde sont témoins d’un cataclysme cosmique

L’annonce du 16 octobre est survenue moins de 2 semaines après l’attribution du prix Nobel de physique 2017 à l’équipe des observatoires LIGO et Virgo.

Luis Lehner, spécialiste de la gravité forte à l’Institut Périmètre, prévoyait depuis longtemps l’avènement de la détection multimessage. Il a dit qu’elle redéfinira notre façon d’explorer l’univers : « Il faut interroger notre univers dans les langages des ondes gravitationnelles et électromagnétiques. » [traduction]

Non seulement l’information tirée de ces observations combinées aura des répercussions en astrophysique, mais elle permettra aussi aux chercheurs d’étudier des questions fondamentales sur la nature de la gravité et des événements les plus producteurs d’énergie de l’univers.

« Cela ouvre la porte à une physique étonnante, a ajouté M. Lehner. Et ce n’est que le commencement — le tout premier événement. D’obtenir toute cette information dès le premier événement est à proprement parler extraordinaire. » [traduction]

La nouvelle ère de l’astronomie multimessage — Luis Lehner

Tous les yeux tournés vers le ciel

La collision a d’abord émis des ondes gravitationnelles — ondulations dans le tissu de l’espace-temps —, puis produit une quantité formidable de chaleur qui s’est traduite en photons électromagnétiques se propageant à différentes fréquences.

France Córdova, directrice de la Fondation nationale des sciences des États-Unis, a déclaré que le signal d’ondes gravitationnelles a été détecté le 17 août, d’abord à l’observatoire Virgo en Italie, puis par les 2 détecteurs de l’observatoire LIGO aux États-Unis. Comme le signal perçu par Virgo était plus faible que ceux détectés par le LIGO, il apparaissait clairement que l’événement s’était produit à proximité des angles morts de Virgo. Cela a permis aux astronomes de déterminer avec plus de précision le lieu d’origine du signal.

Représentation artistique de la fusion de 2 étoiles à neutrons (Image : NSF, LIGO, Université d’État Sonoma, A. Simonnet)

Les observatoires LIGO et Virgo ont émis une alerte que Julie McEnery, scientifique attachée au télescope spatial Fermi de la NASA pour l’observation des rayons gamma, a reçue environ une demi-heure après que cet instrument eut enregistré une bouffée de rayons gamma.

« Cette bouffée a un compagnon intéressant » [traduction], disait le courriel initial. Quelques minutes plus tard, l’équipe du télescope Fermi recevait un rapport officiel. « Et ce fut le début de la matinée la plus excitante en 9 ans de la mission Fermi », a déclaré Mme McEnery lors de l’annonce officielle des constatations résultant de cette collaboration.

Tous se sont rendu compte que, ensemble, les détecteurs avaient confirmé les prédictions concernant la collision d’étoiles à neutrons.

Et Mme McEnery d’ajouter : « Avec ces observations, nous n’apprenons pas seulement ce qui se passe lorsque des étoiles à neutrons entrent en collision. Nous apprenons aussi quelque chose de fondamental sur la nature de l’univers.

« Les ondes gravitationnelles et les rayons gamma ont voyagé ensemble dans l’espace pendant 130 millions d’années et sont arrivés à 2 secondes d’intervalle. Cela nous enseigne qu’ils voyagent tous les deux à la même vitesse, comme Einstein l’avait prédit. » [traduction]

Pas moins de 70 télescopes — 63 sur terre, couvrant tous les continents, et 7 dans l’espace — se sont tournés vers la zone d’origine du phénomène pour en suivre le déroulement.

David Reitze, directeur général du LIGO, a déclaré que l’existence d’étoiles binaires à neutrons avait été prédite il y a des décennies : « Nous savions que nous en verrions. C’est la première fois que le cosmos nous envoie ce que j’appellerais un film parlant. La bande sonore est le couinement des étoiles à neutrons au moment de leur collision, et la vidéo est essentiellement la lumière que nous voyons après la collision. » [traduction]

Luis Lehner a déclaré que les résultats permettent finalement aux scientifiques d’établir un lien direct entre les bouffées de rayons gamma — longtemps considérées comme un mystère — et la collision violente d’objets compacts.

« Relier ces événements électromagnétiques, que nous observons depuis longtemps, aux mécanismes internes qui les expliquent procure une incroyable sensation, a-t-il ajouté. C’est époustouflant. » [traduction]

L’annonce d’aujourd’hui a aussi des ramifications très concrètes. Des observations effectuées par l’Observatoire Gemini, aux États-Unis, par le Very Large Telescope européen et par le télescope spatial Hubble montrent que les collisions d’étoiles à neutrons pourraient aussi produire des matériaux lourds. Ces observations montrent les signatures de matériaux récemment synthétisés, notamment de l’or et du platine. Cela résout un mystère qui subsistait depuis des décennies sur le lieu de formation d’environ la moitié de tous les éléments plus lourds que le fer.

Tout en expliquant ces constatations, David Reitze exhibait une montre de gousset qui avait, disait-il appartenu à son grand-père : « L’or contenu dans cette montre a probablement été créé lors d’une collision d’étoiles à neutrons survenue il y a des milliards d’années. » [traduction]

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